Editions Librairie-Galerie Racine, Paris, 2018

Main dans la glaise du langage, Luezior pourfend les orages de la violence lorsque goutte à goutte / leur sang/ ne cesse / de ruisseler / jusqu'à nous. Il plante ses banderilles dans les convulsions du quotidien : l’enfant sans âge se colle / à un sein lactescent / sur le pavé se confondent / leurs corps de misère.
Penché sur les torsions de la douleur, il palpe les versets de la souffrance, essaie de déjouer les ruses incongrues du mal pour colmater le trop mince filet de sève. Résistance.
Grand veneur, il conduit sa meute de mots jusqu’au seuil de l’hallali. Alors, dans les zébrures du soir, au rythme des heures où gémissent encore les silences, le cortège des ombres lentement s’étire et floconne sa solitude. Combat.
Tissage de rêveries, armoiries de souvenirs encore vivaces, serments devenus chauves-souris, lieu de caresses que les heures ont momifiées. Mais, dans cette âpreté existentielle, parfois, d’une épaule / peuplée de tendresse montent des semailles de lumière. Avant que ne s’ébruitent / les fureurs de la ville, le poète écaille les tessons du rêve. Duel.
Claude Luezior, braconnier d'une ivresse, entre les franges d'une aube en gésine où naissent les énergies de nos lèvres offertes, conserve sur ses rivages des baies écarlates : vers toi j'ouvre mes paupières. Il caresse des braises qui corrodent et s’enfoncent dans le jardin premier / à portée de regard. Promesse.
À la reliure des cicatrices, quand se dévoile l’épure sacrée de tes désirs, les rives du poète chavirent de gourmandise. La lie devient ambroisie pour découdre / lèvres à lèvres / l’impudeur d’un jouir / en ce dédale où jaillissent des geysers interdits.
Dans ce recueil se côtoient la violence, la vie sacrifiée par la vie, la mort qui entrouvre l’ossuaire de ses secrets, le djihad et ses vengeance poisseuses / qui ne sont que reliefs d’une haine. Mais aussi la compassion et l’amour, omniprésents, hiératiques : affamés de tendresse, les mots adoptent la coagulation d'un silence. Le poète insatiable traduit le fracas en musique, le désordre en lettres d’or.
Incessante dualité : au cœur de la trame, veille malgré tout la camarde. Éros et Thanatos sédimentent Jusqu'à la lie. S'écorchent les neurones en dérive / qui vaguent et divaguent, jusqu'à la déstructuration de la page dans le texte Alzheimer au lieu d'aimer. Comme si cette lie de Luezior était l'ultime supplique écrite par la démence elle-même. Bataille acharnée, perdue d'avance, dans la noirceur espérante d'une désespérance.
Nicole Hardouin
Articles et critiques littéraires
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"dictionnaire.education/fr"
Mendiant - Définitions et synonymes de mendiant dans le dictionnaire français

Mendiant - Définitions et synonymes de mendiant dans le dictionnaire français
Un mendiant est une personne qui vit matériellement d'aumônes, ou de l’argent ou de la nourriture (...)
http://dictionnaire.education/fr/mendiant
10 LIVRES EN FRANÇAIS EN RAPPORT AVEC «MENDIANT»
(...) 2 :
Mendiant d'utopie (poésie), Claude Luezior, L'Harmattan, Paris, 2009
Sentinelle de l'espérance, Luezior centre son recueil autour de l'Amour.
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Citations
Le monde de Claude Luezior est un monde vibrant où la beauté est l'un des noms de la détresse.
(JEAN-LOUIS BERNARD, in : Interventions à Haute Voix, juillet 2019)
Par la magie de sa tonalité si particulière, la cocasserie insolite de son humour et sa participation d’écorché vif à la douleur du monde, Claude Luezior nous fait sentir la matière première du bonheur. (JOELLE STAGOLL, romancière)
Les poèmes de Claude Luezior sont à la fois très humains et foisonnants d’images. (JACQUES de BOURBON BUSSET, de l’Académie française)
Claude Luezior, un écrivain humaniste qui tend à l'universel. (GEORGES SÉDIR, écrivain, Ambassadeur de France et Ministre plénipotentiaire)
Luezior est particulièrement intéressé par la symbiose avec d’autres arts. Cet écrivain tisse une œuvre au verbe haut, privilégie l’utopie et distille la lumière blanche en ses composantes de couleurs spectrales (...) Lauréat de nombreux prix, Claude Luezior a marqué magistralement son territoire en littérature. (JEAN DESMEUZES, écrivain, inspecteur d’Académie, lauréat en 1964 du Prix Apollinaire -que l’on appelle souvent le Goncourt de la Poésie-)
L’œuvre littéraire de certains médecins est souvent inspirée par les émotions, les réflexions suscitées par leurs expériences ou nées au chevet des malades qu’ils traitent. Tel fut Tchekhov, tel est Claude Luezior. (JEAN BERNARD, écrivain, membre de l’Académie française, ancien Président de l’Académie des Sciences)
Avec une prodigieuse adresse, Luezior mêle des citations du peintre Armand Niquille à ses propres lignes. Le résultat comblera le lecteur et l’amateur d’art satisfaits de rencontrer un artiste « figuratif mais onirique, éminemment courtois mais habillé de solitude » que sert lucidement, ardemment un écrivain de talent. (PAULE D’ARX, docteur ès lettres, critique littéraire)
MANOS STEPHANIDIS, professeur à la Sorbonne a longuement présenté au musée Bénaki à Athènes le livre d’art (bilingue, franco-grec) « De l’oxydo-gravure à la mythologie des mots », fruit d’une complicité entre le peintre Guy Breniaux et Claude Luezior talentueux homme de plume, auteur d’une vingtaine d’ouvrages. (DANIEL GREUZARD, critique d’art, Le Progrès de Lyon, 22.12.2003)
"À pleines mains" : une belle réussite dans l’art de maîtriser un style concis. (LE MONDE DES LIVRES, 24.05.1996)
Pas une page qui n’offre la dimension de la verticalité. (PIERRE GREMAUD, écrivain, homme de théâtre, critique)
Poète à l’écriture dense, il ne cesse de rechercher cette alchimie des mots qui remue le meilleur au tréfonds du lecteur. Luezior est en quelque sorte un visionnaire balancé entre le sensuel et l’esprit, avec un parfum d’ascétisme. (CLAUDE EVRARD-COUPIC, écrivain, éditorialiste)
On ne lit pas ses romans : on y entre tout doucement en faisant grincer les gongs de la porte et craquer le parquet, puis on se laisse entraîner par la douceur de la fulgurance d’une histoire, racontée, parfois chuchotée par un conteur qui semble connaître les mille et un rouages de la complexe et mystérieuse mécanique humaine. Comme dans un ciel tourmenté, il arrive à vous offrir, l’espace d’un instant, un morceau de ciel bleu. Là, au gré des pages se cache, dans l’écrin de la narration, la vérité des mots. (...) ″ Claude Luezior, nouvelliste, romancier et poète a tracé une œuvre féconde où la finesse et la précision du verbe enchantent le lecteur. ″ (LAURENT BAYART, écrivain, 1er éditeur français de W. Szymborska, Prix Nobel de littérature 1996 ; Co-rédacteur en chef de la Revue Alsacienne de Littérature (RAL), Strasbourg)
C’est que dans l’écriture de Claude Luezior œuvrent les tendresses du regard. Dans l’empathie de la voix narrative, la vie s’obstine et chante. (JEAN-DOMINIQUE HUMBERT, écrivain, critique, red. en chef adj. Coopération).
Pavlina possède les métaphores de l’image révélée, Claude Luezior réinvente la transfiguration du verbe. (MICHEL BENARD, écrivain, chevalier des Arts et des Lettres, lauréat de l’Académie française)
Luezior a des formules heureuses. Ce voyage (« Impatiences ») est un hymne tendre et poétique à la vie. (ANDRÉE FERRIER-MAYAN, docteur ès lettres, rev. litt. « Sud », Marseille)
″Fruit de nos désirs" : c’est là que le miracle de la poésie opère. Une prose riche au service de courts versets, qui explore tout l’univers des possibles, qui nous fait découvrir, brique après brique, étape après étape, toute l’édification de ce qu’est l’être humain. (LOUIS DELORME, écrivain, lauréat de l’Académie française, Officier des Palmes académiques)
Poésie en vers libres, sans points ni virgules. On devrait dire poésie naturelle ou du Naturel. En ses confins cosmiques, bien réussie, elle est aussi exacte qu’une poésie classique achevée. (CHARLES P. MARIE, professeur aux universités de Bradford et Coventry)
J’aime beaucoup l’écriture de Luezior et suis prêt à la publier.(MICHEL COSEM, Prix Renaudot pour la jeunesse 2002, Editeur d’Encres Vives, 2011)
L’on ne se lasse pas de contempler les peintures de Pavlina éclairées par l’immense talent de Claude Luezior tout au long de cette promenade humaniste, rêveuse ou métaphysique. (LAURENCE MORECHAND, docteur ès lettres, anc. rédactrice en chef de Femmes artistes international)
Ses phrases nous donnent à voir ce qu’est l’écriture, la vraie, celle d’un des tout premiers stylistes contemporains. (JEAN-LOUIS BERNARD, poète et critique littéraire ; in : Pages insulaires, sept. 2012)
Claude Luezior a bien compris l'urgence de sa voie poétique en brûlant ses mots dans le fût de sa plume... les mots toxiques, pris au collet, ravisseurs ou câlins à l'étreinte charnelle. (YOLAINE et STEPHEN BLANCHARD,
in : Ces douleurs mises à feu, 2015
Les opposés, qui ne viennent pas nécessairement en coïncidence, et les paradoxes de la vie qui, à la fois se multiplie et s’auto-détruit, sont comme le sang des poèmes de Claude Luezior. Aucune facilité, aucune dérobade, aucun contournement, le choc du vivant qui ne cesse, de réplique en réplique, de s’étendre.
Rémi Boyer, 2019 in https://incoherism.wordpress.com/
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Articles
Jusqu'à la cendre, Claude LUEZIOR
Éditions Librairie-Galerie Racine, Paris, 2018

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C'est à pas feutrés que l'on entre dans Jusqu'à la cendre, happé dès les premières pages par le courant puissant de l'écriture poétique.
Écriture précise, finement ciselée. Les mots, dont certains pénètrent en l'intime du lecteur avec une résonance intense, provoquent parfois comme une détonation...
L'alternance de poèmes et de proses confère aux textes un rythme particulier. Comme une respiration nécessaire pour aller plus avant dans le courant du fleuve.
On est entraîné, remué, secoué par cette lecture qui, évoquant des thèmes variés, est tissée autour d'une trame singulière : celle de l'humain jeté au cœur de la grande et mystérieuse Aventure, avec toute une palette d'émotions, de questionnements, d'incompréhensions, de cris et de désespoirs qu'elle ne peut que susciter. Mais aussi ces plages de douceur, de tendresse, d'amour qui s'offrent à celui qui se confronte à la merveille et à la terreur d'être humain : une épaule soutenante, un regard, des lèvres offertes... Cela, le poète le voit, le vit, le dit, au milieu de la réalité souvent douloureuse, incompréhensible et violente du monde...
Posture poétique : celle qui témoigne de la vie, de son caractère précieux et qui, en même temps, s'insurge et dénonce ce qui va à son encontre et l'avilit, la détruit. Luezior est bien dans cet acte poétique : une poignée de notes, un poème jeté dans l'espace par un geste de danse, un tableau agitant ses reflets, la main d'une femme : entre nous, un jardin premier à portée de regard.
Jean Mahler
Claude Luezior, Jusqu’à la cendre, Paris, Librairie Galerie-Racine, 2018
Claude Luezior est poète, romancier, nouvelliste, essayiste, critique littéraire suisse, professeur universitaire et médecin neurologue. Son oeuvre comprend environ 50 livres dont quelques monographies sur des peintres et artistes contemporains. Il a été recompensé de nombreux prix, dont le Prix européen de l’Association des Écrivains de Langue Française (1995), le Prix de poésie de l’Académie Française (2001), le Prix Marie Noël (2013). En 2002 il est nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Ses poèmes se retrouvent en anthologies et revues étrangères. Il est traduit en allemand, italien, grec et roumain.
Son plus récent recueil de poèmes Jusqu’à la cendre (Paris, Librairie- Galerie Racine, 2018) alterne vers et prose poétique. La voix du poète témoigne de la solitude et de la souffrance de l’être humain dans le monde. Elle se dresse contre tout ce qui défigure son visage et fait souffrir, contre la mort sous ses multiples aspects: démence, violence, maladie, guerre, intolérance, fanatisme, contre l’oubli de l’Histoire tragique et ensanglantée, cette mémoire collective que le temps efface, permettant ainsi la restauration incessante du désarroi, de l’intolérance, de la haine qui font éclater les guerres absurdes : « chairs/ décharnées/ regards// à travers/ les pages d’Histoire/ ces visages/ me dévisagent// concentré /inhumain/ tellement humain/ de désespoir// alter ego/ que l’on massacre// au nom d’une race/ dite pure// comment prétendre/ désormais/ faire partie/ du clan homo sapiens ? »
Le poète devient le porte-parole de la douleur qui creuse corps et âmes, voués au néant. Il réfléchit et s’interroge sans cesse sur les brûlures de la vie jusqu’à la cendre, la vie anéantie par le mal et le temps, avant même de guérir ou de cicatriser ses blessures, la déchéance physique ou de l’esprit anéanti par la maladie. Que reste-t-il de nos rêves et chimères, de nos histoires de vie fauchées par les autres ou englouties par le temps dévorateur ?
Comment faire face à la « démence dépourvue de toute tolérance », aux plaies de la vie, aux cauchemars des guerres, à la solitude, à l’absence, à la conscience lucide de la dissolution de l’être? Comment combattre le mal qui ronge tout ? Des bribes de souvenirs, d’un passé attendri par l’amour, la beauté, l’amitié, eux-mêmes fragilisés par le temps jaillissent de la mémoire, avec la nostalgie d’un autre visage possible du monde : « une épaule/ peuplée de tendresse/ pour trébucher/ parfois// une épaule/ sans limite/ estuaire/ qui répare/ quilles et mats/ à la dérive. »
Il faut retenir ce vécu éphémère, avant qu’il ne s’efface définitivement de la mémoire, lui redonner corps et âme par les mots, eux-mêmes impuissants à dire l’ardeur des sentiments, la tendresse des caresses, la brûlure des blessures de l’âme, le tranchant du bistouri dans la chair souffrante, la désespérance, le cri de la vie qui ne veut pas mourir.
Il faut retrouver l’espoir et le pouvoir de renaître de la cendre comme le Phénix, refaire le bonheur de la vie, convertir les ténèbres en lumière, respirer la brise et l’aurore, se purifier dans la rosée de la nuit et la soie de l’amour d’une femme : « écarteler ce que la rouille/ vainement corrode/ déplier le doute/ et rendre braise/ à la cendre trop grise// terre labourée/ ou gémissement encore/ des vides// briser ces couteaux extrêmes/ qui se délectent/ de leurs blessures/ à l’orée des cachots/ il me faudra repeupler/ nos rêves alanguis// déplier ses paupières/ élaguer ses brumes/ violemment rendre vie/ à ses seins de porcelaine/ aux bras lourds de la nuit/ dans l’infinie fragrance/ de nos gestes inachevés. »
Le poète parle au nom d’une humanité qui a perdu sa sagesse naturelle et le lien fraternel entre les êtres vivants réunis par le même destin. Sa voix grave et satirique interroge avec amerture le sens même de liberté poussée à la déraison et à la démence criminelle des fanatiques qui ne comprennent pas qu’ils tuent sans cesse la vie, l’innocence et la beauté de l’être pour une illusion, « un arpent de terre de sable » : « guerre d’arrogances/ intimement pétries/ dans des boues aveugles// Guerre civile/ entre peuples frères/ tellement immonde/ qu’on appelle Grande// chairs tranchées/ cortège de supplices ».
Les poèmes de Claude Luezior nous offrent le kaléidoscope de la vie sous ses aspects sombres, dilués parfois par la fraîcheur et la beauté du paysage naturel autour de nous.
L’écriture, « une authentique aventure de l’esprit » reste le seul combat perpétuel contre le mal, le passage, la dissolution, la mort. Le métier du poète est bien rude : refaire par les mots le visage du monde, témoigner du vécu humain, combattre la folie des gens et la mort, faire renaître l’espoir. « Son travail est celui d’un moine-laboureur. Mains dans la glaise du langage, le poète mesure la solitude. Crues et décrues profanes. » Il « griffe le papier jusqu’à la fibre comme pour laisser une empreinte. Jusqu’au sang. »
Sonia Elvireanu, Professeure d'Université (Roumanie)
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Clames, de Claude Luezior, éditions tituli, Paris
Article paru sur les sites Traversées et CouleursPoésies2
S’exprimer, oui ! Mais surtout surpasser la médiocrité, le vulgaire et ici c’est bien cela que notre poète aguerri et engagé clame, avant tout sortir de la fange, du cliché, du langage au rabais, du ravaudage de faubourg. Oui clamer, transmettre avec discernement et sagesse comme le barde, trouvère ou griot, restituer une signification au Verbe et hisser haut les mots.
Faire du langage un refuge protecteur, une vigie sur les chemins hasardeux de la vie. Au travers de ses « Clames » Claude Luezior dont nous connaissons depuis bien longtemps la qualité de poète « orpailleur » dont la parole fait foi, se présente à nous sous une facette nouvelle, sorte de défi oscillant entre réaction et provocation.
L’écriture se découvre à nous cadencée, rythmée, syncopée. Claude Luezior joue avec quelques subtilités de langage, sortes de jeux verbaux, sens, contresens, métaphores, mais le tout reposant toujours sur les fondations de la réflexion.
La forme tient en quelque sorte au principe du « slam » voire par extension du « rapp » mais avec l’élégance de relever le défi en l’habillant de subtilités qualitatives. Ce que ces deux nouveaux modes de vulgarisation ont souvent quelque peu oublié.
Il est indéniable que Claude Luezior se fait plaisir avec ses exercices de style riches et recherchés. Ce dernier joue de la dérision avec talent et comme un chat retombe toujours sur ses pieds. A propos de pieds, ne voyez surtout pas ici une allusion facile. Les mots coulent, s’enchaînent, se font, se défont, se heurtent, s’enlacent, s’embrassent.
En un mot, il fait de la grammaire sa petite cuisine entre impératif et subjonctif, conditionnel et inconditionnel. Il joue à saute-mouton de mots en mots, de vers en vers, le tout en l’absence de point et de virgule. Usez vous-même de votre propre ponctuation.
C’est en fait avec beaucoup de plaisir et de surprises, que nous évoluons au cœur de ce recueil, butant sur certaines formules ou nous éblouissant de son verbe. Il me semble que Claude Luezior se fasse un peu clairvoyant lorsqu’il écrit :
« Les barricades surgissent dans la ville
en enfilades
pour escouades.../... »
Sans doute ne pensait-il pas être à ce point au cœur de l’actualité :
« Le blasphème consume la ville
stratagème
suprême
qu’on essaime.../... »
Mais bien au-delà des jeux de mots, de la fantaisie, la démarche se révèle profonde car elle dénonce le monde dépersonnalisé dans lequel nous vivons actuellement, son coté éphémère et superficiel n’existant que dans l’immédiat, perdant sens et raison, la voix visionnaire du poète en amplifie l’inconsistance.
Claude Luezior ironise indéniablement, mais surtout s’insurge, hurle son dépit face au chaos d’une société se délitant, s’étiolant, face à une civilisation humaine qui sombre dangereusement vers son autodestruction :
« assez de ces brutes, assez de ces scandales, assez de ces vandales, assez des canonnades etc. etc. »
Le poète nous avertit, nous informe, il y a urgence ! Les « Clames » se font confessions, sans doute une manière de survivre en exultant poétiquement.La poésie est un combat pour l’amour qui doit fédérer le devenir de l’humanité.Afin de mieux les clamer Claude Luezior extirpe les mots de leur contexte, leur donne un sens nouveau, une vibration différente, question de survie en composant une sorte de patchwork bigarré. Il faut sortir de l’incertitude des reliques.
« Mettre le feu
Aux parcelles du rêve.../... »
Peut-être que cette néo-cryptographie est un antidote aux drames contemporains.
Poèmes parfois ludiques détenant ce mystère de la métamorphose kaléidoscopique.
Le Verbe prend aussi la forme d’un « J’accuse » face à cette société bradée et condamnée à légiférer sur des peccadilles nous détournant de la réalité. C’est clair, le poète exige une « renaissance » pour d’authentiques valeurs et une autre Liberté !
Le poète qui se veut lucide ne confondra jamais clames et clameurs, il ose le clamer !
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française.
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
C'est à pas feutrés que l'on entre dans Jusqu'à la cendre, happé dès les premières pages par le courant puissant de l'écriture poétique.
Écriture précise, finement ciselée. Les mots, dont certains pénètrent en l'intime du lecteur avec une résonance intense, provoquent parfois comme une détonation...
L'alternance de poèmes et de proses confère aux textes un rythme particulier. Comme une respiration nécessaire pour aller plus avant dans le courant du fleuve.
On est entraîné, remué, secoué par cette lecture qui, évoquant des thèmes variés, est tissée autour d'une trame singulière : celle de l'humain jeté au cœur de la grande et mystérieuse Aventure, avec toute une palette d'émotions, de questionnements, d'incompréhensions, de cris et de désespoirs qu'elle ne peut que susciter. Mais aussi ces plages de douceur, de tendresse, d'amour qui s'offrent à celui qui se confronte à la merveille et à la terreur d'être humain : une épaule soutenante, un regard, des lèvres offertes... Cela, le poète le voit, le vit, le dit, au milieu de la réalité souvent douloureuse, incompréhensible et violente du monde...
Posture poétique : celle qui témoigne de la vie, de son caractère précieux et qui, en même temps, s'insurge et dénonce ce qui va à son encontre et l'avilit, la détruit. Luezior est bien dans cet acte poétique : une poignée de notes, un poème jeté dans l'espace par un geste de danse, un tableau agitant ses reflets, la main d'une femme : entre nous, un jardin premier à portée de regard.
Jean Mahler
Claude Luezior, Jusqu’à la cendre, Paris, Librairie Galerie-Racine, 2018
Claude Luezior est poète, romancier, nouvelliste, essayiste, critique littéraire suisse, professeur universitaire et médecin neurologue. Son oeuvre comprend environ 50 livres dont quelques monographies sur des peintres et artistes contemporains. Il a été recompensé de nombreux prix, dont le Prix européen de l’Association des Écrivains de Langue Française (1995), le Prix de poésie de l’Académie Française (2001), le Prix Marie Noël (2013). En 2002 il est nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Ses poèmes se retrouvent en anthologies et revues étrangères. Il est traduit en allemand, italien, grec et roumain.
Son plus récent recueil de poèmes Jusqu’à la cendre (Paris, Librairie- Galerie Racine, 2018) alterne vers et prose poétique. La voix du poète témoigne de la solitude et de la souffrance de l’être humain dans le monde. Elle se dresse contre tout ce qui défigure son visage et fait souffrir, contre la mort sous ses multiples aspects: démence, violence, maladie, guerre, intolérance, fanatisme, contre l’oubli de l’Histoire tragique et ensanglantée, cette mémoire collective que le temps efface, permettant ainsi la restauration incessante du désarroi, de l’intolérance, de la haine qui font éclater les guerres absurdes : « chairs/ décharnées/ regards// à travers/ les pages d’Histoire/ ces visages/ me dévisagent// concentré /inhumain/ tellement humain/ de désespoir// alter ego/ que l’on massacre// au nom d’une race/ dite pure// comment prétendre/ désormais/ faire partie/ du clan homo sapiens ? »
Le poète devient le porte-parole de la douleur qui creuse corps et âmes, voués au néant. Il réfléchit et s’interroge sans cesse sur les brûlures de la vie jusqu’à la cendre, la vie anéantie par le mal et le temps, avant même de guérir ou de cicatriser ses blessures, la déchéance physique ou de l’esprit anéanti par la maladie. Que reste-t-il de nos rêves et chimères, de nos histoires de vie fauchées par les autres ou englouties par le temps dévorateur ?
Comment faire face à la « démence dépourvue de toute tolérance », aux plaies de la vie, aux cauchemars des guerres, à la solitude, à l’absence, à la conscience lucide de la dissolution de l’être? Comment combattre le mal qui ronge tout ? Des bribes de souvenirs, d’un passé attendri par l’amour, la beauté, l’amitié, eux-mêmes fragilisés par le temps jaillissent de la mémoire, avec la nostalgie d’un autre visage possible du monde : « une épaule/ peuplée de tendresse/ pour trébucher/ parfois// une épaule/ sans limite/ estuaire/ qui répare/ quilles et mats/ à la dérive. »
Il faut retenir ce vécu éphémère, avant qu’il ne s’efface définitivement de la mémoire, lui redonner corps et âme par les mots, eux-mêmes impuissants à dire l’ardeur des sentiments, la tendresse des caresses, la brûlure des blessures de l’âme, le tranchant du bistouri dans la chair souffrante, la désespérance, le cri de la vie qui ne veut pas mourir.
Il faut retrouver l’espoir et le pouvoir de renaître de la cendre comme le Phénix, refaire le bonheur de la vie, convertir les ténèbres en lumière, respirer la brise et l’aurore, se purifier dans la rosée de la nuit et la soie de l’amour d’une femme : « écarteler ce que la rouille/ vainement corrode/ déplier le doute/ et rendre braise/ à la cendre trop grise// terre labourée/ ou gémissement encore/ des vides// briser ces couteaux extrêmes/ qui se délectent/ de leurs blessures/ à l’orée des cachots/ il me faudra repeupler/ nos rêves alanguis// déplier ses paupières/ élaguer ses brumes/ violemment rendre vie/ à ses seins de porcelaine/ aux bras lourds de la nuit/ dans l’infinie fragrance/ de nos gestes inachevés. »
Le poète parle au nom d’une humanité qui a perdu sa sagesse naturelle et le lien fraternel entre les êtres vivants réunis par le même destin. Sa voix grave et satirique interroge avec amerture le sens même de liberté poussée à la déraison et à la démence criminelle des fanatiques qui ne comprennent pas qu’ils tuent sans cesse la vie, l’innocence et la beauté de l’être pour une illusion, « un arpent de terre de sable » : « guerre d’arrogances/ intimement pétries/ dans des boues aveugles// Guerre civile/ entre peuples frères/ tellement immonde/ qu’on appelle Grande// chairs tranchées/ cortège de supplices ».
Les poèmes de Claude Luezior nous offrent le kaléidoscope de la vie sous ses aspects sombres, dilués parfois par la fraîcheur et la beauté du paysage naturel autour de nous.
L’écriture, « une authentique aventure de l’esprit » reste le seul combat perpétuel contre le mal, le passage, la dissolution, la mort. Le métier du poète est bien rude : refaire par les mots le visage du monde, témoigner du vécu humain, combattre la folie des gens et la mort, faire renaître l’espoir. « Son travail est celui d’un moine-laboureur. Mains dans la glaise du langage, le poète mesure la solitude. Crues et décrues profanes. » Il « griffe le papier jusqu’à la fibre comme pour laisser une empreinte. Jusqu’au sang. »
Sonia Elvireanu, Professeure d'Université (Roumanie)
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Clames, de Claude Luezior, éditions tituli, Paris
Article paru sur les sites Traversées et CouleursPoésies2
S’exprimer, oui ! Mais surtout surpasser la médiocrité, le vulgaire et ici c’est bien cela que notre poète aguerri et engagé clame, avant tout sortir de la fange, du cliché, du langage au rabais, du ravaudage de faubourg. Oui clamer, transmettre avec discernement et sagesse comme le barde, trouvère ou griot, restituer une signification au Verbe et hisser haut les mots.
Faire du langage un refuge protecteur, une vigie sur les chemins hasardeux de la vie. Au travers de ses « Clames » Claude Luezior dont nous connaissons depuis bien longtemps la qualité de poète « orpailleur » dont la parole fait foi, se présente à nous sous une facette nouvelle, sorte de défi oscillant entre réaction et provocation.
L’écriture se découvre à nous cadencée, rythmée, syncopée. Claude Luezior joue avec quelques subtilités de langage, sortes de jeux verbaux, sens, contresens, métaphores, mais le tout reposant toujours sur les fondations de la réflexion.
La forme tient en quelque sorte au principe du « slam » voire par extension du « rapp » mais avec l’élégance de relever le défi en l’habillant de subtilités qualitatives. Ce que ces deux nouveaux modes de vulgarisation ont souvent quelque peu oublié.
Il est indéniable que Claude Luezior se fait plaisir avec ses exercices de style riches et recherchés. Ce dernier joue de la dérision avec talent et comme un chat retombe toujours sur ses pieds. A propos de pieds, ne voyez surtout pas ici une allusion facile. Les mots coulent, s’enchaînent, se font, se défont, se heurtent, s’enlacent, s’embrassent.
En un mot, il fait de la grammaire sa petite cuisine entre impératif et subjonctif, conditionnel et inconditionnel. Il joue à saute-mouton de mots en mots, de vers en vers, le tout en l’absence de point et de virgule. Usez vous-même de votre propre ponctuation.
C’est en fait avec beaucoup de plaisir et de surprises, que nous évoluons au cœur de ce recueil, butant sur certaines formules ou nous éblouissant de son verbe. Il me semble que Claude Luezior se fasse un peu clairvoyant lorsqu’il écrit :
« Les barricades surgissent dans la ville
en enfilades
pour escouades.../... »
Sans doute ne pensait-il pas être à ce point au cœur de l’actualité :
« Le blasphème consume la ville
stratagème
suprême
qu’on essaime.../... »
Mais bien au-delà des jeux de mots, de la fantaisie, la démarche se révèle profonde car elle dénonce le monde dépersonnalisé dans lequel nous vivons actuellement, son coté éphémère et superficiel n’existant que dans l’immédiat, perdant sens et raison, la voix visionnaire du poète en amplifie l’inconsistance.
Claude Luezior ironise indéniablement, mais surtout s’insurge, hurle son dépit face au chaos d’une société se délitant, s’étiolant, face à une civilisation humaine qui sombre dangereusement vers son autodestruction :
« assez de ces brutes, assez de ces scandales, assez de ces vandales, assez des canonnades etc. etc. »
Le poète nous avertit, nous informe, il y a urgence ! Les « Clames » se font confessions, sans doute une manière de survivre en exultant poétiquement.La poésie est un combat pour l’amour qui doit fédérer le devenir de l’humanité.Afin de mieux les clamer Claude Luezior extirpe les mots de leur contexte, leur donne un sens nouveau, une vibration différente, question de survie en composant une sorte de patchwork bigarré. Il faut sortir de l’incertitude des reliques.
« Mettre le feu
Aux parcelles du rêve.../... »
Peut-être que cette néo-cryptographie est un antidote aux drames contemporains.
Poèmes parfois ludiques détenant ce mystère de la métamorphose kaléidoscopique.
Le Verbe prend aussi la forme d’un « J’accuse » face à cette société bradée et condamnée à légiférer sur des peccadilles nous détournant de la réalité. C’est clair, le poète exige une « renaissance » pour d’authentiques valeurs et une autre Liberté !
Le poète qui se veut lucide ne confondra jamais clames et clameurs, il ose le clamer !
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française.
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
Poésie et images pour la cathédrale de Fribourg et ses mystères

Une cathédrale dans une petite ville, Fribourg, et des impressions en cascade, la photo épaulant le texte - ou le contraire. C'est le bonheur de lecture que réserve "Mystères de cathédrale", un beau livre aux allures rétro signé conjointement par Jacques Thévoz, le photographe, et par Claude Luezior, le poète. Ils ne se sont pas connus, certes - question de génération. Mais leurs oeuvres se sont rencontrées et mises au diapason dans cet ouvrage publié en toute fin d'année 2016 par la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg.
Les photographies en noir et blanc de Jacques Thévoz sont splendides, disons-le d'emblée. Il arrive qu'elles fixent une géométrie particulière, ou donnent à voir ce que le visiteur distrait de la cathédrale n'aura qu'effleuré - dans le meilleur des cas: des détails de vitraux, des statues, des éléments du mobilier liturgique.
Elles savent aussi montrer l'humain, plongé dans les rituels de la religion catholique, pratiquée avec ferveur. Souvent, les prises de vue soulignent la gravité de ces instants religieux, souvent empesés et graves, qui ont rythmé la vie des Fribourgeois jusqu'à il n'y a pas si longtemps. On y reconnaît quelques visages, à l'instar de l'organiste Joseph Gogniat. On y repense avec nostalgie aux funérailles de l'abbé compositeur Joseph Bovet.
En contrepoint, le poète Claude Luezior pose ses propres mots sur la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Son regard est actuel. Il complète ce que le photographe a immortalisé. On y trouvera donc les allusions aux derniers enrichissements de la cathédrale, montrés comme le prolongement d'une oeuvre architecturale inachevée: les vitraux d'Alfred Manessier sont observés de près, faisant écho aux vitraux historiques de Józef Mehoffer, "le Klimt polonais". Chaque chapitre capte un élément des lieux, invitant l'habitué à lever les yeux sur des choses qu'il ne voit plus à force de les côtoyer.
Les textes de Claude Luezior sont de temps à autre dans l'anecdote ou la légende surprenante, par exemple lorsqu'il est question du creusement de la molasse au-dessous de l'édifice, pour en faire quelque chose de grand malgré tout. Ils relèvent du registre du souvenir, travaillé pour sonner juste et précieux pour le lecteur, quand il faut évoquer des rituels tels que la Madone des Centaures (comprenez: les motards!) ou le temps fort de la Saint-Nicolas.
Quel saint Nicolas, d'ailleurs? L'auteur ne manque pas de rapprocher Saint Nicolas de Flüe, personnage clé de l'histoire suisse, et Saint Nicolas de Myre, saint patron de la cathédrale, ni de révéler, astucieux, leur place respective dans la cathédrale. Il y a enfin un soupçon de facétie lorsqu'il est question d'évoquer la chaire, les brûle-cierges et les confessionnaux en déshérence...
Si "Mystères de cathédrale" montre avec brio ce que la cathédrale de Fribourg a d'unique et d'exceptionnel, ce livre ne se limite pas à une approche impressionniste qui pourrait paraître floue. Au contraire: l'ouvrage est fortement documenté, puisant ses sources dans des articles rares. Ces recherches révèlent à l'érudit que l'édifice trouve sa place dans le réseau des cathédrales gothiques du Moyen Age, puis s'est en permanence enrichi, grâce à ses beautés architecturales ultérieures (autels baroques, reliques) comme aux humains qui l'ont fait vivre.
Jacques Thévoz et Claude Luezior se sont ainsi associés pour offrir au public un regard précieux, témoin par-delà les ans, de ce qu'est la cathédrale de Fribourg aujourd'hui, monument incontournable et somme de ce que les gens d'ici et d'ailleurs lui ont donné.
FATTORIUS (Daniel Fattore) mars 2017
http://fattorius.blogspot.ch/2017/03/poesie-et-images-pour-la-cathedrale-de.html
Claude Luezior, Jacques Thévoz, Mystères de cathédrale, Fribourg, Bibliothèque cantonale et universitaire, 4e trim. 2016.
Cathédrale St-Nicolas de Fribourg / Suisse

Fonds Jacques Thévoz, Bibliothèque Cantonale et Universitaire Fribourg : Mystères de cathédrale St-Nicolas de Fribourg, C. Luezior, BCU, 2016
Xavier Schaller
MYSTÈRES DE CATHÉDRALE Saint Nicolas de Fribourg - Claude LUEZIOR - photographies : Jacques THÉVOZ
Ce nouvel ouvrage de Claude Luezior achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimerie de Saint Paul à Fribourg en novembre 2016 est un livre d'Art en noir et blanc, d'une sobre beauté. Il est publié sous l'égide de l'institution patrimoniale de la B.C.U (Bibliothèque Cantonale et Universitaire). Son format allongé inhabituel : 16/27 permet de rendre compte de la verticalité en perspective de la cathédrale avec vue partielle des sculptures alignées sur son fronton. Il s'agit d'un livre d'Art et de Poésie où Claude Luezior, avec l'humour tendre, l'émotion et la finesse d'observation qu'on lui connaît, nous fait une description attentive de l'édifice fragile de quartz et d'argile qui se délite au fil des années tout en affrontant les siècles dans la beauté humaine de la foi.
L'auteur nous prend donc par la main, nous invite à le suivre, se propose, lui qui est dans la connivence avec le lieu, de nous servir de guide afin que nous ressentions la force de permanence de cette cathédrale ''fière de ses arches et de ses voûtes, orgueilleuse de ses turbulences minérales''... car ''Menuet de poussière, elle demeure, contre vents et acides, roc d'espérance''. Cet édifice a été maintes fois représenté par le peintre Armand Niquille ce qui a d'ailleurs inspiré à Claude Luezior sa magnifique monographie : ''Niquille, maître de lumière".
Au fil de la visite, Claude Luezior citera toutes les confréries, les compagnonnages, les artisans d'exception comme le verrier Josef Mehoffer (le Klimt polonais) ainsi qu'Alfred Manessier pour la réalisation du somptueux vitrail moderne du Saint Sépulcre. Il nous fera vivre la cathédrale au rythme des fêtes joyeuses de la Saint Nicolas qui unissent le peuple de Fribourg et ses alentours, élans suivis du recueillement qui accompagne les deuils et les guerres …
Nous pouvons suivre la visite de la cathédrale, à livre ouvert comme un saint livre que l'on consulterait au long d'une procession aux nombreuses stations, en écoutant la voix de l'auteur.
Quelques extraits :
La tour et sa légende :
"Tout en haut une volée de cloches, dont les battants rythment les pulsations du pays''...oiseaux et congères y font leur nid...Vous y rencontrerez... Descendez maintenant, descendez encore, prenez en catimini le deuxième escalier... dans les enfers des soubassements..."
Nef :
Bagués d'or, les chapiteaux convergent à l'unisson des prières. Stupéfiantes fiançailles... pour un grand corps en majesté.
Portail occidental :
Achetez le programme ! Mais prenez garde, la bande-annonce théologique n'est pas faite pour des enfants de choeur... elle oppose diables jouissifs et docteurs de l'église...
Bénitier :
Certains se signent, pressés comme pour pointer à l'horodateur du Seigneur... s'avance la bigote à la peau parcheminée : marathonienne de la rédemption...
Grilles du choeur :
"Je reste accroché à cette grille dont les losanges marquent mes paumes. Gueux en quête de miracle... La communion est mot féminin, chair du partage. Elle me console. Elle s'est agenouillée, tout près de moi''
Grandes orgues :
Nous voici dans l'oeuvre sacrificielle du Grand orage, dans la tourmente de Dieu.
Tout à coup, tandis que refluent les grondements telluriques, renaît un silence, lavé de tout péché.
Nous laisserons le lecteur-visiteur suivre le reste des stations de ce haut lieu où ''de la pierre crue monte une respiration... parmi les sacrements d'une dynastie de colombes''
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Read more at http://www.jeannechampelgrenier.com/pages/liens/claude-luezior-ecrivain.html#Cowr4ReYtJ2AdfSi.99
Claude Luezior : Pavlina : espaces et transparences
Editions du Tricorne, Genève

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Franchir la frontière entre le charnel et le mystique, changer de corps touchent au plaisir, à la jouissance comme aux possibilités d’angoisse puisque les certitudes se voient interpellées par cette traversée. Pavlina ne cesse de la rappeler. Quant au poète Luezior, il ponctue en orpailleur les fontaines de jouvence de l’artiste. Pour ses personnages, à l'« aveuglement » de l'amour, répond une attente exaspérée, désespérée. La Vaudoise les montre en instance de purification comme au prise avec le miel charnel.
Luezior rappelle que la voyageuse de l'amour ne fait qu’emmener avec elle ses propres bagages, son propre inconscient : si bien que chaque toile devient un lieu de réclusion qui fascine néanmoins le poète charmé par les « femmes-lumières ». Son texte en fragments invite à franchir « à rebours » le seuil de l’œuvre où la femme reste sainte et pécheresse. A son évasion impossible répond la pénétration du regard en un lieu qui n’est plus à l’extérieur d’une frontière mais dedans.
Pavlina y accomplit une avancée vers quelque chose qui n’a plus rien à voir avec un charme de la nudité mais avec un dépouillement. A l’étrangeté éruptive, à l’attrait volcanique de l’amour humain répond un retournement mystique. Ce bond permet à l’inconscient qui habituellement ne connaît pas la traversée des frontières d’être mis en connexion avec ce qui le dérange.
Une telle expérience ne peut laisser indemne puisque le saut et l'éclat des œuvres de Pavlina, comme le souligne Luezior, crée un transfert. Il désaxe des assises, des sécurités voire du sens même de désir. Dès lors celles qui restent les Enceintes de l'Amour et n’arrivent pas à venir à bout du cerclage parviennent néanmoins à franchir la frontière interne de l’être.
Chaque toile permet de « survivre aux entrailles » en devenant « le témoin de la terre » (Nicole Hardouin) où l’être tel Roland à Roncevaux joue à saute-mouton au bord des gouffres, espérant une brèche, là où il est en quête d’un corps qui doit se quitter et du cor qui lui permet de s’ouvrir à l’altérité suprême, l’extrême transparence de la source première.
Jean-Paul Gavard-Perret
In : De l'art helvétique contemporain
24heures : Rubrique des arts plastiques et de la littérature en Suisse romande
***
Armand Niquille
"Le monde renaîtra de la destruction, de l'absurdité et de l'orgueil", tempéra sur panneau, 114 x 162 cm, 1944.
"Le monde renaîtra de la destruction, de l'absurdité et de l'orgueil", tempéra sur panneau, 114 x 162 cm, 1944.

Claude LUEZIOR : ARMAND NIQUILLE, artiste-peintre au cœur des cicatrices, Éditions de l’Hèbe, 2015
Dans cette biographie romancée de Armand Niquille, l’écrivain Claude Luezior fait vivre de manière passionnante le parcours singulier de ce peintre hors cadres mais aussi celui de ses ancêtres et leurs implications dans l’Histoire de France. Biographie car tous les éléments et références se veulent exactes, romancée de part certains dialogues imaginaires tracés dans le respect de la personnalité de l’artiste-peintre que Luezior a personnellement connu.
Dès sa prime enfance, Niquille, Petit Chose torturé se pose de lancinantes questions ; « suis-je vraiment le fils d’un conducteur de trams ? Pourquoi ma mère a-t-elle louée une petite épicerie au lieu de rester lingère au château ? » Le doute reste momentanément sans réponse : là, explique C. Luezior, se trouve le ferment de sa souffrance, la racine de son œuvre riche de plus de mille toiles.
L’enfant entend dans l’épicerie maternelle des allusions émises par de charitables commères, les interrogations persistent face au mutisme de sa mère jusqu’au jour où, dans une exposition de peinture, il va rencontrer une sorte de dandy qui lui-même s’essaie à l’art. Face à face, âme contre âme, ils se découvrent ; « même regard, même maintien altier, ils sont semblables. »Niquille a vingt ans, il comprend. Intuitivement ils se sont reconnus, Fred de Diesbach, le fils du comte Raoul est son demi-frère dont il deviendra l’ami. Il fera des visites au château dans l’atelier du peintre, sans jamais croiser le regard de l’aigle Raoul : le puissant comte de Diesbach, son père. A de multiples reprises, ils peindront l’allée du château, les arbres de Niquille seront noueux, torturés, ceux du fils légitime, bien droits. Le Banni Magnifique, selon l’expression du critique J.P Gavard-Perret, signera parfois ses toiles Nihil (rien).
Jamais Niquille ne revendiquera quoique ce soit. Malgré ses cicatrices, il veut rester grand et puissant par la magie de sa peinture.
L’ouvrage rédigé d’une plume enlevée a plusieurs facettes dont un large pan historique : en effet, parmi les ascendants de l’homme au béret on trouve Nicolas de Diesbach, chambellan à la cour du roi Louis XI. A la tête des bernois, alors puissance militaire majeure, Nicolas s’allia à d’autres troupes pour battre le puissant duc de Bourgogne : Charles. le Téméraire qui fut défait aux batailles de Grandson, Morat et Nancy : le très habile Louis XI récupéra ainsi la Grande Bourgogne.
Autre volet historique important lié à Niquile ; nous sommes pendant la seconde guerre mondiale : censure et cruel manque de papier à Paris. Claudel, Mauriac, P. Emmanuel, P. Jean Jouve et d’autres écrivains se retrouvent à Fribourg où ils vont faire éditer plusieurs de leurs manuscrits. Déambulent également dans ce creuset Giacometti et Balthus. Armand, malgré sa nature sauvage baigne dans ce milieu. Il se lie d’amitié avec Balthus.
Malgré ces influences, Niquille reste un solitaire, trace son sillon quasi-monacal dans son atelier. Là il enchaîne ses cathédrales comme Monet pour celle de Rouen, il la peindra cent fois,met en perspective vierges et anges, arbres toujours noueux, taillés à l’instar de sa propre souffrance, s’attarde sur Fribourg. Il crucifie son âme sur de multiples Golgotha.
Niquille est un humaniste, un mystique, il baigne dans une lumière crucifère, toujours en recherche de la verticalité, de la transcendance. Fuyant les coteries, les petits fours, il reste à Fribourg à la recherche de l’essentiel, humble à l’extrême : je ne suis qu’un artisan au pied de la croix. Ce retrait volontaire l’a empêché d’avoir une dimension internationale.
Pendant tout ce temps à Paris, une jeune femme se pose curieusement les mêmes interrogations que Niquille : enfant, sa grand-mère était aussi lingère au château, quarante années les séparent. Elle ne comprend pas : Fribourg, le couvent parisien, le jardinier pervers, les religieuses silencieuses… mais nous laissons au lecteur le soin de découvrir sa quête si bien restituée par C. Luezior.
Dans ce roman écrit avec une plume talentueuse, on retrouve la passion de Luezior pour l’histoire franco-suisse et l’empathie pour cet homme ordonné artiste par un chartreux. Là, se mêlent rigueur et foisonnement, or et sang, avec au centre Niquille, géant de l’ombre, peintre et poète, byzantin et flamand.
Roman à lire avec intérêt et bonheur.
© Nicole Hardouin
in : Traversées, oct. 2015

Niquille le banni magnifique
Claude Luezior, « Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices », Editions de l’Hèbe, 2015. « Armand Niquille de Fribourg à Charney », Musée de Charney, du 11 octobre au 20 novembre 2015.
En un de ses derniers textes poétiques, Luezior qui fut l’élève admiratif puis l’un des amis proches du peintre,disait déjà beaucoup sur l’importance d’Armand Niquille. Pour l’auteur, dans ses aubes stellaires l’artiste dévoilait « ses architectures messianiques / intemporelles / partitions / pour druides / qui parachèvent / les fantasmes / d’un cosmos / intime ». Dans son roman vrai le poète de Fribourg développe les dédales existentiels de l’artiste au sein de son existence. Armand Niquille né en 1912 n’a cessé de peindre Fribourg sa ville natale. Il en tire ce que l’essayiste nomme « la poésie du lieu et la poétique de Dieu ». Il complète sa vision urbaine de sujet plus humbles, d’œuvres religieuses, des natures mortes et des compositions où s’accordent symbolique et imaginaire sans se départir de solennité.
Le trajet de l’artiste ne fut pas simple : refoulé du château de son père (en tant que fuit adultérin), caillassé par des gamins au nom pourtant de cette paternité lointaine il resta habité par la peinture même s’il la signa un temps du simple mot latin « Nihil »…
Celui que la poétesse Nicole Hardouin nomme « le méconnu christique » renvoie l’art vers une réversion figurale loin de la logique habituelle du repli imaginaire. Son œuvre devint pourtant un véritable lieu “ morphogénétique ” sous la forme de totems urbains plus ou moins héritiers du château paternel mais aussi de rêves d’un « baron perché ». Leur nature symbolique et anthropomorphique crée une iconographie particulière. Elle ne porte plus aucunement à une quelconque gloire céleste de l’image. L’artiste remplace la dévotion médiévale et ses représentations de connivence par des structures qui font chavirer l’aspect ornemental sous l’effet de charge qui exalte la vie (terrestre ou non) au sein d’une violence sourde. Une telle approche évacue tout maniérisme afin d’extraire le regard dévot qu’on accorde à l'art afin de le remplacer par un regard plus sacrificiel vers ce qui à la fois devient nocturne et enflammé.
Jean-Paul Gavard-Perret
24 10 2015
in : De l'art helvétique contemporain : rubrique des arts plastiques et de la littérature en Suisse
"Le mythographe", huile sur bois, 32 x 48 cm, 1959 : autoportrait d'Armand Niquille
Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices, roman,
Claude Luezior, Editions de l’Hèbe, 2015
C’est spécifié en tout petit sur la tranche du livre : roman, mais le dernier opus de Claude Luezior s’apparente plus à une méticuleuse biographie, au travail historique fouillé, qu’à une entreprise romanesque même si l’écriture – très littéraire et poétique – habille la rigueur d’un zeste de fantaisie. Le narrateur connaît bien son sujet (terme approprié !) car il fut l’élève devenu ami d’Armand Niquille, ce grand peintre fribourgeois (1912-1996), figure emblématique avec son béret mythique.
La vie de cet artiste est hors-norme, suscitant déjà l’imaginaire, voire la fiction, personnage de roman que Luezior installe fort logiquement dans ses pages. Hommage et admiration à l’adresse de ce peintre majeur, issu de rien, qui signa même parfois ses œuvres d’un surprenant Nihil. Ce presque récit est basé sur des entretiens, rencontres, documents, témoignages, souvenirs et surtout l’amitié que nourrissait Claude Luezior envers cet artiste. Celui-ci produisit des nus, portraits, natures mortes, allégories et scènes mystiques mais aussi ses Fribourg qui prirent une place considérable dans l’espace culturel de cette ville. Ainsi peigna-t-il plus d’une centaine de fois sa magnifique cathédrale, à l’instar d’un Claude Monet à Rouen.
Les deux cent cinquante pages du volume s’effeuillent passionnément car Luezior – en guide avisé – nous raconte la singulière histoire de ce génie en son atelier et sage dans sa caverne de philosophe. Destin en secret de famille : en effet, Armand Niquille n’est-il pas le fils d’un obscur conducteur de tram dévoré par la tuberculose ou fils, d’une lingère qui, comme cette Charlotte trop féconde, a perdu son travail au Château ? L’improbable géniteur – roitelet des lieux – détroussa plus d’une soubrette…
Et voilà que le destin se pare de blasons et autres enluminures qui ne disent pas leurs noms… Ouvrage d’une existence qui se lit comme un roman, vous avait-on dit… Ainsi rencontrera-t-il ce demi-frère avec lequel il peindra en cachette, tels des potaches à la maraude. Les existences se croisent et se trouvent de génétiques connivences…
Mais il ne faudrait pas oublier l’auteur de ce livre (fribourgeois de surcroît) qui est aussi le chantre de cette cité dont il nous apprend – l’historien se cache derrière la double silhouette de l’écrivain et du médecin – qu’elle s’appelait jadis Nuithonie (nom ancien et charmant pour Fribourg) et qu’elle fut un véritable fleuron, centre d’activités intellectuelles et littéraires durant la Seconde Guerre Mondiale. Ceci grâce à l’éditeur Walter Egloff qui publia – excusez du peu – quelques grosses pointures de l’écriture dont Mauriac, Claudel, Aragon, Maritain…et même un certain Charles de Gaulle qui confiera trois manuscrits à la Libraire Universelle de France (LUF), sise à Paris mais issue de Fribourg !
Bref, la ville fut un creuset dont beaucoup ignorent l’importance qu’elle avait à cette époque. Et notre cicérone à moustaches, pipe au bec, de rappeler aux touristes lambda que la Saint-Nicolas est également une fête qui rassemble chaque année, les Fribourgeois par dizaines de milliers, comme quoi l’histoire et les traditions séculaires sont intimement mêlées sur les bords de la Sarine, aux reliefs escarpés de molasse, prenant vie en cascades médiévales.
A l’arrivée, ce livre pose un regard érudit et tendre sur un grand artiste contemporain qui, plutôt que de se dire artiste, se voulait œuvrant. Il retrace fidèlement le parcours d’Armand Niquille dont le destin se confond avec cette pittoresque ville qu’est Fribourg.
Quelque part, outre l’hommage rendu au peintre, c’est aussi cette ville suisse qu’il aime par-dessous tout que célèbre Claude Luezior, l’écrivain inspiré de ces terres pentues, dont Niquille dit que l’esprit étriqué de ce pays si complexe, c’est ce qui le sauve. Il en est parfois de même de la stature des artistes…
Laurent BAYART
in : Revue alsacienne de littérature (RAL),
Strasbourg, 2016
*
Claude Luezior, Editions de l’Hèbe, 2015
C’est spécifié en tout petit sur la tranche du livre : roman, mais le dernier opus de Claude Luezior s’apparente plus à une méticuleuse biographie, au travail historique fouillé, qu’à une entreprise romanesque même si l’écriture – très littéraire et poétique – habille la rigueur d’un zeste de fantaisie. Le narrateur connaît bien son sujet (terme approprié !) car il fut l’élève devenu ami d’Armand Niquille, ce grand peintre fribourgeois (1912-1996), figure emblématique avec son béret mythique.
La vie de cet artiste est hors-norme, suscitant déjà l’imaginaire, voire la fiction, personnage de roman que Luezior installe fort logiquement dans ses pages. Hommage et admiration à l’adresse de ce peintre majeur, issu de rien, qui signa même parfois ses œuvres d’un surprenant Nihil. Ce presque récit est basé sur des entretiens, rencontres, documents, témoignages, souvenirs et surtout l’amitié que nourrissait Claude Luezior envers cet artiste. Celui-ci produisit des nus, portraits, natures mortes, allégories et scènes mystiques mais aussi ses Fribourg qui prirent une place considérable dans l’espace culturel de cette ville. Ainsi peigna-t-il plus d’une centaine de fois sa magnifique cathédrale, à l’instar d’un Claude Monet à Rouen.
Les deux cent cinquante pages du volume s’effeuillent passionnément car Luezior – en guide avisé – nous raconte la singulière histoire de ce génie en son atelier et sage dans sa caverne de philosophe. Destin en secret de famille : en effet, Armand Niquille n’est-il pas le fils d’un obscur conducteur de tram dévoré par la tuberculose ou fils, d’une lingère qui, comme cette Charlotte trop féconde, a perdu son travail au Château ? L’improbable géniteur – roitelet des lieux – détroussa plus d’une soubrette…
Et voilà que le destin se pare de blasons et autres enluminures qui ne disent pas leurs noms… Ouvrage d’une existence qui se lit comme un roman, vous avait-on dit… Ainsi rencontrera-t-il ce demi-frère avec lequel il peindra en cachette, tels des potaches à la maraude. Les existences se croisent et se trouvent de génétiques connivences…
Mais il ne faudrait pas oublier l’auteur de ce livre (fribourgeois de surcroît) qui est aussi le chantre de cette cité dont il nous apprend – l’historien se cache derrière la double silhouette de l’écrivain et du médecin – qu’elle s’appelait jadis Nuithonie (nom ancien et charmant pour Fribourg) et qu’elle fut un véritable fleuron, centre d’activités intellectuelles et littéraires durant la Seconde Guerre Mondiale. Ceci grâce à l’éditeur Walter Egloff qui publia – excusez du peu – quelques grosses pointures de l’écriture dont Mauriac, Claudel, Aragon, Maritain…et même un certain Charles de Gaulle qui confiera trois manuscrits à la Libraire Universelle de France (LUF), sise à Paris mais issue de Fribourg !
Bref, la ville fut un creuset dont beaucoup ignorent l’importance qu’elle avait à cette époque. Et notre cicérone à moustaches, pipe au bec, de rappeler aux touristes lambda que la Saint-Nicolas est également une fête qui rassemble chaque année, les Fribourgeois par dizaines de milliers, comme quoi l’histoire et les traditions séculaires sont intimement mêlées sur les bords de la Sarine, aux reliefs escarpés de molasse, prenant vie en cascades médiévales.
A l’arrivée, ce livre pose un regard érudit et tendre sur un grand artiste contemporain qui, plutôt que de se dire artiste, se voulait œuvrant. Il retrace fidèlement le parcours d’Armand Niquille dont le destin se confond avec cette pittoresque ville qu’est Fribourg.
Quelque part, outre l’hommage rendu au peintre, c’est aussi cette ville suisse qu’il aime par-dessous tout que célèbre Claude Luezior, l’écrivain inspiré de ces terres pentues, dont Niquille dit que l’esprit étriqué de ce pays si complexe, c’est ce qui le sauve. Il en est parfois de même de la stature des artistes…
Laurent BAYART
in : Revue alsacienne de littérature (RAL),
Strasbourg, 2016
*
Claude LUEZIOR - TRILOGIE - éditions de L’HARMATTAN, Paris, 2015

L’idée d’une trilogie en poésie peut surprendre. Dans le domaine de l’opéra, Wagner y est même allé d’une tétralogie ; Marcel Pagnol à fait la sienne : une autobiographie qui a connu un immense succès. Eh ! bien, moi, cela ne me surprend pas puisque je m’y suis essayé. Cela suppose un lien entre les recueils, une suite, un peu à la façon d’une saga. C’est ce que je vais essayer de découvrir. Je pense qu’il doit y avoir un projet initial. Nous verrons bien.
Volume 1 - FRAGMENTS :
Dans son propos liminaire, qui est à lui seul un morceau d’anthologie, que nous dit Claude Luezior ? « Dans sa forge le poète martèle ses mots... Se bat-il avec la technologie d’un autre âge ? Alors que la mode est au plastique, au slogan et au prêt à penser. » Un peu plus loin, il nous dit encore que « ces poèmes naissent dans un incubateur d’étoiles. » En quelques mots, il a tout dit : que la poésie est une lutte pour sauvegarder un patrimoine qui est mis à mal par la modernité et le snobisme qu’elle engendre, et que d’autre part, elle naît dans ce qu’il y a de plus profond en nous, de plus cosmique, ce qui nous fait dire que l’intelligence dépasse infiniment la matière qui l’a conçue. Trente de ces poèmes nous attendent, dans une métrique courte qui n’a pas besoin de rimes. Cette quête, nous la trouvons exprimée dès le premier texte : Originel. « nudité initiatique / dépouillement / de la mémoire / où se frôlent / tour à tour / errances frugales / et franges du sacré. » Qu’est-ce que le sacré pour nous sinon cet inénarrable, cet indescriptible, cet irréductible je-ne-sais-quoi qui fait de nous des chercheurs de l’ombre. Cette ombre qui nous accompagne sur le chemin que nous traçons, qu’elle nous précède au matin de la vie ou qu’elle nous prolonge le soir.
La poésie sert d’abord au poète ; elle sert à « hacher le charivari / de l’inconscience / pour que s’atténue un mal-vivre / lorsque s’effilochent / ses impasses / en déraison. » ( in DIRE) Elle sert aussi au lecteur, qui n’est pas insensé ( je pense à Victor Hugo ) au point de croire qu’il n’est pas aussi l’autre.
Recherche aussi de la beauté pure. Elle fait partie du sacré. Comment ne pas songer alors à la femme . Dans son poème intitulé NAUFRAGE, Claude Luezior conduit, sur une dizaine de strophes, une superbe métaphore entre la mer et l’amour, dans un érotisme d’excellence : « blottie / au creux / de l’assaut / déliée / face au récif / sauvage / qui l’empale / elle entrouvre / ses nacres / de coquillages... tellement / femme / elle donnera / chair / éternelle / au combat / du désir ».
Claude Luezior a aussi sa façon de protester, de s’insurger contre tout ce que la société a de malade. Il le fait en termes voilés mais percutants : dans brûlures : « les sbires de Vulcain / en toute incompétence / distribuent flammes / et torchères / à la cour du Prince // manants et sans-culottes / aux confins des terres / ne récoltent que cendres / sur leurs parchemins / assoiffés de lumière », dans PSYCHOSE : « folie du conquérant / qui massacre / son peuple / meurtres et rites /du pouvoir / en démesure / violence », ou encore dans prédateur : « en meute / les hyènes / accablent / un squelette // tant d’hommes / qui résument / les plus cruels / des prédateurs ».
Le poète est celui qui sait mesurer la vie pour y puiser la nécessaire sagesse qui doit guider notre parcours. Cela apparaît nettement dans ESPOIR : « mes orgueils suffiront-ils / à dépasser / les collines / où peut-être / luit / un rayon / de pastel ? » On retrouve cette tendance ( au sens de tendre vers ) dans camaïeu : « malgré tout / une voie lactée / où tètent là-bas /quelques lunes / oasis de clarté / où s’abreuvent / des rêves / archaïques.» On la sent bien cette recherche de soi mais aussi de l’univers.
Laissons-nous emporter par ce premier recueil dans les méandres de la conscience en espérant beaucoup encore de la suite.
Volume II - D’UN SEUL GESTE :
La supériorité du papier sur Internet, c’est le toucher. Cela est souvent souligné. Quand je prends en mains un recueil, je suis sensible à tout : me parle ici la superbe photo de couverture, réalisée par l’auteur : une femme floue qui ôte ou remet ( ambiguïté de l’instantané ) son voile de tulle. Celui d’une mariée ? Me parle l’exergue de Federico Garcia Lorca ; j’en retiens ces quelques mots : la brûlure qui tient les choses éveillées. Notre conscience en a besoin. Pour être à l’affût, ne pas accepter l’inacceptable. Mais aussi pour vivre de chaque instant, de chaque geste.
Il n’y a pas que ce geste de couverture, pris sur le vif, le geste est constamment présent tout au long du recueil : « D’un seul geste, provoquons le mystère où se nidifie l’énigme des nébuleuses lorsque les galaxies écopent les étoiles », lisons-nous encore en quatrième de couverture, cette phrase reprenant sous une autre forme le poème numéroté XXII ( Le poète a remplacé les titres par des nombres en chiffres romains - Les titres en effet ne sont pas indispensables, parfois trompeurs, parfois trop révélateurs de la suite ).
Mais qu’est-ce que le geste ? Un instant qui passe, marqué par une action qui se décide, qui balaie l’air, l’espace, qui s’efface aussitôt que fait, ne laissant trace que dans la mémoire. Le geste s’envole, à l’instar de la parole : « rue de l’éphémère cohabitent... tranches de vie / musiciens et guérisseurs / graffitis sonores / et sauvageonnes / d’un paradis perdu ... gamins en débandade / gestes furtifs / qui ne disent leur nom / baisers à la sauvette / pour amoureux aveugles... le temps d’un effleurement ».( XLI ) Et les gestes seulement ébauchés, qui ne voient pas vraiment le jour ? « demi-cercle / pour trancher / l’éphémère / le geste s’élève / sans jamais s’achever ». ( VII ) Au contraire, le geste peut se prolonger, se reproduire et perdurer ; en fait être suivi de toute une série de gestes. Ainsi dans le numéro XXIII : c’est l’ « étreinte démesurée / quand respire un instant / la tendresse dans l’ombre / et le fécond satin / que nul n’ose nourrir ». Dans le numéro XLV, le geste est magnifié, sacralisé : « le geste en majuscules / érige ses contours / ensorcelle ». il devient tout naturellement érotique : « défiant la virilité / du mâle / qui tournoie / les soies / sculptent le désir ».
Et le geste d’écrire ? Il a son importance, elle est peut-être même capitale. Tout commence à la préhistoire avec l’art pariétal ; et du sacré encore : « grotte capitulaire / de Lascaux / où le génie / de prêtres / en peaux de bêtes / prenait ses quartiers... grognements / de la caverne / que prolonge / aujourd’hui / un geste / sacré ». ( XXXVII ). L’instant d’un geste, gravé pour longtemps dans la pierre. On recherche déjà le temps perdu. Et le geste poétique ! « à la faille d’un rien / naît le poème / pistil d’un amant / que tout encore / étonne // organe où battent / des voyelles comme fibres / contractiles ». écrire, écrire... ! «J’y burine / mes territoires... sous la pointe d’acier / se coagulent / mes insomnies » ( XXXIV ).
Mais il est temps que je laisse au lecteur le soin de découvrir l’ensemble, de marauder, comme dit le poète dans l’univers de ses errances.
Volume III - LA COULEUR D’UN SILENCE :
D’un silence et non pas du silence. Celui dans lequel s’enferme le poète. Référons-nous encore au propos liminaire : « Me voilà donc réduit à l’exil intérieur où le silence va sécréter les plus intimes couleurs de ses pensées.» Ne nous y trompons pas. Ses pensées : celle du silence. L’auteur n’a pas écrit mes pensées.
Qu’est-il de plus parlant, parfois, que le silence ? Et n’a-t-on pas besoin de s’isoler pour penser ? Ce troisième recueil, je veux l’aborder selon ma fantaisie au risque d’interprétations qui ne seront pas dans les intentions de l’auteur. Mais celui qui écrit est souvent heureux des prolongements qu’il a pu susciter. Auxquels il n’avait pas forcément pensé. C’est une preuve irréfutable de richesse. Sans être abscons, très loin d’être hermétique, Claude Luezior demande à être lu en profondeur.
Le silence a-t-il une couleur ? Bien évidemment selon sa nature, ce qui le provoque, ce qui le nécessite. Pour moi, il a la couleur du vide, le vide intersidéral qui n’est que silence On peut dire que le silence occupe la presque totalité de l’univers. Silence rime avec solitude, volontaire ou pas. La lecture des textes m’en convainc, l’un après l’autre : « pourquoi ce cloître / dans l’enfermement / de prières / sans Dieu ? // Pourquoi ces silences / écorchés / pourquoi Chronos / devenu rapace ? » ( III ) Il n’y a pas besoin de croire pour prier. Prier dans l’Absolu, sous le poids de sa condition d’homme, pour le mal-être qu’elle peut engendrer. Rien n’empêche d’espérer autre chose, tout en n’y croyant pas. L’auteur parle de silences écorchés. N’est-ce pas plutôt le poète qui se sent écorché vif ? Qui ne souffre de soi, en soi, à de certains moments ? Ce silence, au fond, le poète ne voudrait-il pas le rompre ? Avec l’être aimé, avant de partir ? « avant l’inégale / lutte avec l’ange / avant l’ocre et le noir / où j’agonise déjà // je voudrais chuchoter / puériles paroles / un deux, peut-être trois / poèmes pour toi ».
( VI )
On sent que le poète a mûri, tout simplement vieilli. Et vieux moi-même, je suis en parfaite communion avec l’auteur. Mais pourquoi des lecteurs plus jeunes ne ressentiraient-ils pas la même chose ? « au déclin de ma vie / s’emboîtent les désirs // les désirs et leurs proies / comme feu et eau / qui fusionnent en fatales étreintes // au soir des rencontres / s’exhibe le rituel / // ce rituel de déesse / qui déplie les charmes / d’un instant où respire / la prière d’un espoir ». Le mot espoir évoqué plus haut est ici prononcé.
A cette solitude, à ce silence qui pèse lourd, je vois deux remèdes : la beauté incarnée par la femme, et sacralisée par les mots : « te réinventer / à mes gestes éphémères / là où les lèvres /de la nuit balbutient / là où l’aube exige /son tout premier désir... te rêver / à la faille de l’impossible / inconsciente et vive / juste aux rosées du sacrifice / et lever enfin le voile / sur tes yeux qui disent oui. » ( XXIV ) Par les mots ? et justement par l’écriture, voilà la seconde façon de guérir : « je t’écris ces grands silences / qui battent leur coulpe / drapeaux en déshérence / entre les phrases de nos vies... à nos aubes en berne / les silences de soie / patiemment recousent / la peau de nos blessures ». ( XLII )
Ce silence a finalement un côté bénéfique : il soigne il recoud, ne fût-ce qu’en pointillés, le tissu de nos vies que nos solitudes, nos effarements, nos errements avaient déchiré. Au fil du temps, il change de couleur.
Louis DELORME
Commandeur des Palmes académiques
*

24 SEPTEMBRE 2015
Trilogie - Claude LUEZIOR par Michel Bénard
Editions l’Harmattan- collection Poésie (s) 2015.
Volume no I: Fragment. (87 pages)
Volume no II: D’un seul geste. (89 pages)
Volume no III: La couleur d’un silence. (97 pages)
Au fil des décennies, c’est au rythme de l’orfèvre que Claude Luezior cisèle son œuvre, romans, essais, ouvrages d’art et poésie, avec un égal bonheur, jusqu’à parfois tutoyer ou égratigner le ciel. Remarquable et incontestable parcours littéraire et poétique que celui de Claude Luezior.
Il pérégrine au balancement régulier du métronome, rien qui ne puisse arrêter l’élaboration passionnée et éclectique de son œuvre. Sa dernière « Trilogie » - I -Fragment – II - D’un seul geste - et – III - La couleur du silence - appartient à cette mouvance.
Patiemment, pareil à un bon compagnon artisan, il ajuste, peaufine ses mots sur un établi encombré de lettres, signes, songes, et il annonce la couleur dans cette nouvelle« Trilogie : »
Il fragmente !
« Ces poèmes sans rime, naissent dans un incubateur d’étoiles. »
Claude Luezior, ressent une nécessité de retour à l’originel, à la pureté initiatique, à l’heure des moissons et de l’engagement.
Au travers de ce besoin de dépouillement le verbe devient rédempteur.
Ce dernier nous forge toujours de brèves, mais remarquables formules.
« …/…le charbonnier
a cloué ses absences
aux portes de la foi. »
Une foi des plus discrètes vibre au fond de lui-même. Foi ? Ou plus précisément le questionnement d’un retour au sacré, à la symbolique initiale. Page après page nous cheminons dans la sacralisation et son parfait contraire se manifestant par une espèce de provocation.
Les vers qui se dévident entre les pages de cette « Trilogie » sont brefs, très courts, incisifs, ils vont à l’essentiel, semblables parfois à la manière des haïkus.
Il jongle avec de magnifiques autant que surprenantes métaphores, chaque strophe est en elle-même un poème. De fulgurantes images y fourmillent.
« …/…ouvre
les entrailles
du miracle
par ton geste
sacré…/…
La vie parfois s’embrouille, les chemins s’emmêlent sur le grand labyrinthe, mais pourtant la poésie est toujours présente pour réconforter nos incertitudes.
Les textes de cette fulgurante « Trilogie » se veulent libres, sans rime, sans ponctuation, la poésie ici n’existe qu’au prix de cette liberté effrénée autant qu’échevelée. Nous y ressentons la volonté de sobriété, le frissonnement mystique, l’épurement à la manière cistercienne en forme de chant grégorien.
Sans oser prétendre faire un comparatif élémentaire, je retrouve au fil des pages une résonance qui n’est pas sans rappeler un peu : « La montée du Carmel » de Saint Jean de la Croix.
« …/…au bout
d’une alchimie
de songes
et d’ave
toucher
le stigmate
et renaître
par la Croix…/…
Claude Luezior perçoit souvent dans l’existence, une grande hallucination, une déferlante d’angoisse, d’étranges mouvances paranoïaques, les démences qui spolient et mettent l’homme à nu. Qui le place face à lui-même et à son insignifiance.
Nous sommes ici confrontés à une remarquable poésie épurée confondue à une profonde réflexion existentielle. Parfois il nous est même possible de nous égarer en quelques espaces ésotériques, en d’énigmatiques cryptes mythiques.
L’ouvrage est fragmenté de subtils aphorismes et sentences qui nous resituent face à nous même en nous abîmant dans une sorte de contemplation.
Il arrive aussi à Claude Luezior de se faire quelquefois iconoclaste ! Il fait l’autodafé des clichés, des idées reçues, des pensées formatées. Il « mécréante » gentiment, il
« anticléricalise » avec lucidité, toutes les religions prennent une estocade au passage.
La purification touche même la ponctuation qui est réduite à sa plus simple expression.
Par l’effet d’un seul geste, Claude Luezior nous invite à changer de regard. Il est un mystique animiste, un prince de la liberté. Ce geste alphabétisé est tout l’acte révélateur de la poésie. Nous y croisons quelques fois des échos nietzschéens à l’esprit chamanique.
…/… intemporelles
partitions
pour druides
qui parachèvent
les fantasmes
d’un cosmos
intime.//…
Il nous arrive également de décrypter des scènes rappelant Jean-François Millet, des tintements d’angélus sur les terres pacifiées du soir. Effleurement de temps à autre sur la pointe des pieds de l’hermétisme, où notre poète avertit par des voies détournées que l’amour peut conduire jusqu’à l’implacable loi de l’anéantissement tel le mythe de Prométhée.
La vie est une sorte de turbulence, de folie brodée de désespérances, de stigmatisations festonnées d’aveugles insouciances, d’infantiles démesures noyées par des rires crédules. La chute et son déclin sont inévitables, alors autant sombrer dans le fol oubli du grand carnaval final, protégés que nous serons par le masque de l’anonymat.
Un temps pour tout, vie, amour, frénésie, larmes, beuveries des oublis.
Le poète fait en sorte de s’égarer, de se perdre un peu sur l’océan de l’existence, alors il quitte son port sans boussole, sans sextant, ni astrolabe, mais il sait encore lire dans les étoiles.
Claude Luezior le confesse, il a joué au poète plutôt que de porter le glaive, il a préféré et grand bien lui en a pris, agiter un calame effarouché.
A choisir je préfère l’image de Claude Luezior en poète ébloui, plutôt qu’en mercenaire !
En touche finale il ne reste plus qu’à faire l’amer constat des heures vulgaires, de la perte d’un certain sens du beau.
« …/… à quoi bon ces lignes en perdition
que l’on nomme esthétisantes
alors que des gens, dits de lettres
ont perdu jusqu’au sens du beau ?.../…
Claude Luezior se situe plus que jamais dans le questionnement de la grande confusion de ce début de siècle, il s’indigne du grand mensonge libéral mondialisé au détriment des peuples et à l’aliénation des nations.
Sous la bannière du doute le poète se réfugie dans les alphabets de l’amour et tourne son regard vers une éternité nouvelle colorée de silence.
Une belle et longue route à cette « Trilogie » qui laisse flotter autour de nous, l’instant d’un rêve l’étonnement d’un voyage intemporel.
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française.
In : http://www.couleurs-poesies-jdornac.com/2015/09/trilogie-claude-luezior-par-michel-benard.html
25 9 2015
*
Clames (SLAMS) de Claude Luezior, Ed. tituli, Paris, nov. 2017
Des spécialistes, ingénieurs du son des profondeurs, avaient bien lancé l'alerte : « les sismographes sont en vibration, des fumeroles s'échappent en un point précis de cette région apparemment calme située à Fribourg en Suisse. » Il y avait eu déjà sur les ondes ce fameux ''Je heurte parce que je suis heurtoir''. Beaucoup s'en étaient émus mais peu avaient prévu ce qui allait suivre. Et voilà, l'implosion-explosion, en direct, dans toute son ampleur : CLAMES que je lirais C.L. ÀMES ; les mille âmes de Claude Luezior. Il ne s'agit pas de slams ; même si cette forme orale a pu çà et là laisser quelques belles émotions, beaucoup ne sont que faciles coups de gueule - défouloirs.
Il s'agit là d'un réel épisode volcanique littéraire. Les paroles issues du tréfonds du magma poétique éclatent en plein ciel et se répandent, brûlantes, sidérantes. Et quels échos ! On en est ébranlé, fasciné, médusé : Coupe / les flaques / de mes chairs /insomniaques / Coupe-feu / de mes incendies / traque / mes braises volcaniques / (...) coupe-faim de mes lexiques / où se détraquent / les alambics (...) où craquent. / mes suppliques. Coupe : en moi le diabolique / coupe mon Armagnac / d'hérétique (...)
( Coupe : page 9)
Plusieurs épisodes telluriques se suivent, alternés d'accalmies ( d'aclamies?) où se déposent les cendres fertilisantes, puis viennent les silences. Tout se passe comme si le poète Claude Luezior avait été longtemps bâillonné et qu'il ait enfin arraché ce bâillon de politesse bienséante face à l'urgence ; urgence non pas de penser mais de DIRE ; PENSER pour DIRE et DIRE pour PANSER.
Car l'accalmie provisoire venue, c'est là que l'on découvre le nouvel horizon ; le nouvel état des lieux qui ne seront jamais plus les mêmes. L'espace est à réinventer, la terre intérieure, à reconstruire ; il est temps, comme pour Saint-Exupéry, de s'en remettre à la science poétique des étoiles : une voie lactée par-ci / un astéroïde par- là / tôt dans la nuit / l'astro-mécanicien / broie / ses trous noirs / mains nues / dans des cratères de lune ( astrologue : page 33)
CLAMES, comme ce mot l'indique, c'est toute la richesse du magma intérieur de Claude Luezior qui, par des failles stromboliennes, jaillit devant nos yeux, répandant à nos pieds scories de désirs, cendres de douleurs et pépites d'espoir. Buvons à la coupe de libation finale que nous offre le poète Claude Luezior, de sa chaude et belle voix rocailleuse : buvez / à l'aune de vos élans / à la mesure / de votre désir / à gorge déployée / buvez jusqu'à plus soif / et surtout / buvez-moi ! ( soif : page 71 ).
Invitation à la table de l'Olympe helvétique ?
Jeanne Champel Grenier
Claude LUEZIOR : « CLAMES - poèmes à dire - », éditions TITULI, Paris
Avis aux amateurs ! Dans son dernier recueil poétique « CLAMES – poèmes à dire », l’écrivain suisse Claude LUEZIOR se place d’emblée dans un cousinage littéraire avec le « slam », en jouant de la quasi-homonymie du titre de l’ouvrage. Un cousinage nuancé, toutefois, car si Claude revendique l’oralité de ses textes, dans la tradition séculaire des bardes, chamans et autres diseurs, il avoue quelques réserves à l’égard du slam ou plutôt des dérives de ce genre contemporain et novateur, pour lequel certains, comme pour le rap, ont cédé un peu trop vite, tant sur la forme que sur le fond, aux facilités de la spontanéité, et aussi aux sirènes de la diction libre.
Quoi qu’il en soit, ces vingt-huit textes du recueil, au-delà de la simple lecture, se veulent autant de « coups de poing » à asséner verbalement, par une diction adéquate, facilitée par le phrasé de leur auteur. Les rythmes rapides et saccadés y sont en effet nourris par des vers courts, très courts, parfois réduits à un seul mot, et l’auteur joue avec brio de l’allitération, de l’assonance, de l’anaphore, de la rime riche - parfois inattendue, et de tous les jeux de sonorités possibles.
L’adéquation de la forme et du fond est omniprésente, comme pour mieux faire ressortir le mordant, la tonalité satirique et la volonté persuasive des idées exprimées. Beaucoup de ces textes (EPURATION, SANS-PAPIER, INDECENCE, LIBERTE, DJIHAD etc…) expriment en effet une vision parfois hallucinée des défauts, tares, fautes, nuisances et imperfections de la société actuelle. Citons : « An un : voici ma nouvelle ville (…) des menottes pour chacun », « Assez de ces brutes(…) assez des canonnades », « Voilà qu’ils m’écrouent, me désavouent, me bafouent (…) moi le sans-culotte »…
Heureusement, dans d’autres textes (CONTREPOINT, ANTIDOTE, ULTIME etc…), l’auteur tempère l’ensemble par une vision plus optimiste de la vie et quelque confiance en l’avenir: « Antidote au crépuscule, un rossignol qui appelle », «Le printemps débarque sans détours, avec sa marmaille d’oiseaux, sa fleur au fusil et son air de Gavroche immature », « N’en déplaise à ton ingratitude longuement j’aimerai, j’aimerai tes vermeils »…
Ajoutons que les Editions Tituli, qui publient l’ouvrage, gèrent une librairie-galerie au 142, rue de Rennes, 75 006 PARIS.
PHILIPPE VEYRUNES
Lauréat de l'Académie française
NB : Extraits disponibles sur le site de l'éditeur tituli : http://www.tituli.fr/catalog/product/view/id/104/s/clames/category/3/
(faire glisser la souris de droite à gauche)
Clames (poèmes à dire) de C. Luezior, éd. tituli, Paris
Ce nouveau livre de Claude Luezior est une manière de retour aux sources de la littérature et de la poésie car l’écrivain fribourgeois nous rappelle dans son Avant-dire (et non pas Avant-lire !) que la poésie est avant tout orale. Oralité au bord du feu, héritage des bardes et chamans. Ainsi, a-t-il intitulé fort judicieusement Clames ce livre qui se lit à voix haute et dont les mots sont destinés à être mis en espace, petits lutins syntaxiques s’affranchissant du douillet couffin blanc de leurs feuillets.
C’est aussi une manière originale d’aller à la rencontre d’un auteur atypique dont l’imaginaire poétique magistral nous invite à une farandole d’images et de paysages somptueux. Ici, les mots virevoltent et savourent cette liberté aérienne, faite de sonorités et de vibrations de partage. …les clamer, dans leur nudité naturelle, leurs assonances, leur boléro. On se délecte à les entendre croustiller, pâte craquante dans notre bouche pour leur offrir le précieux réceptacle de conques d’oreilles en quête de luminosité acoustique et d’une écoute habitée.
Comme pour ses précédents ouvrages, l’orpailleur du verbe nous entraîne dans une gourmandise syntaxique en jouant sur les touches du clavier. Il en ressort une musicalité harmonieuse et ludique car l’écriture est aussi un jeu… d’orfèvre : Quand le oui/ n’est plus non/ et que le oui a un nom… Baladin et saltimbanque de l’oralité retrouvée, le poète titille sa muse qui s’amuse et s’acoquine de son coquin de troubadour maniant l’humour, tel un jeu tout en finesse et sensualité : N’en déplaise/ à tes aréoles/qui m’affolent… Ritournelle chaleureuse de vers qui pourraient très bien prendre la forme de chansons ?
Écriture parfois à la Maurice Carême avec une poésie qui peut se dire dans tous les sens. Je vous l’avais confié, Luezior slame et surtout clame bien haut : la poésie est de retour et ne mâche… pas ses mots ! Derrière sa moustache épicurienne et sa pipe de sage bienheureux, Luezior fulmine devant les tabloïdes de la barbarie qui parsèment son jardin de ronces et de chardons en chevaux de frise : Et poignardent/ et décapitent/ l’autre/ le frère/ même/ le leur/ le vôtre.
Les mots dits ont souvent la force du brûlot lorsqu’ils n’hésitent pas à sortir du nid calfeutré de leurs pages blanches pour étreindre nos âmes et parler à nos cœurs. Clamer son innocence coupable de mots si élégamment dits… Le poète avoue mais ne se dédit pas. Voilà qui est bien dit !
Laurent BAYART
écrivain, critique, Strasbourg
Ce nouveau livre de Claude Luezior est une manière de retour aux sources de la littérature et de la poésie car l’écrivain fribourgeois nous rappelle dans son Avant-dire (et non pas Avant-lire !) que la poésie est avant tout orale. Oralité au bord du feu, héritage des bardes et chamans. Ainsi, a-t-il intitulé fort judicieusement Clames ce livre qui se lit à voix haute et dont les mots sont destinés à être mis en espace, petits lutins syntaxiques s’affranchissant du douillet couffin blanc de leurs feuillets.
C’est aussi une manière originale d’aller à la rencontre d’un auteur atypique dont l’imaginaire poétique magistral nous invite à une farandole d’images et de paysages somptueux. Ici, les mots virevoltent et savourent cette liberté aérienne, faite de sonorités et de vibrations de partage. …les clamer, dans leur nudité naturelle, leurs assonances, leur boléro. On se délecte à les entendre croustiller, pâte craquante dans notre bouche pour leur offrir le précieux réceptacle de conques d’oreilles en quête de luminosité acoustique et d’une écoute habitée.
Comme pour ses précédents ouvrages, l’orpailleur du verbe nous entraîne dans une gourmandise syntaxique en jouant sur les touches du clavier. Il en ressort une musicalité harmonieuse et ludique car l’écriture est aussi un jeu… d’orfèvre : Quand le oui/ n’est plus non/ et que le oui a un nom… Baladin et saltimbanque de l’oralité retrouvée, le poète titille sa muse qui s’amuse et s’acoquine de son coquin de troubadour maniant l’humour, tel un jeu tout en finesse et sensualité : N’en déplaise/ à tes aréoles/qui m’affolent… Ritournelle chaleureuse de vers qui pourraient très bien prendre la forme de chansons ?
Écriture parfois à la Maurice Carême avec une poésie qui peut se dire dans tous les sens. Je vous l’avais confié, Luezior slame et surtout clame bien haut : la poésie est de retour et ne mâche… pas ses mots ! Derrière sa moustache épicurienne et sa pipe de sage bienheureux, Luezior fulmine devant les tabloïdes de la barbarie qui parsèment son jardin de ronces et de chardons en chevaux de frise : Et poignardent/ et décapitent/ l’autre/ le frère/ même/ le leur/ le vôtre.
Les mots dits ont souvent la force du brûlot lorsqu’ils n’hésitent pas à sortir du nid calfeutré de leurs pages blanches pour étreindre nos âmes et parler à nos cœurs. Clamer son innocence coupable de mots si élégamment dits… Le poète avoue mais ne se dédit pas. Voilà qui est bien dit !
Laurent BAYART
écrivain, critique, Strasbourg
FRAGILE
(Claude Luezior, éditions La Bartavelle)
Un chant à l’amour, ses vicissitudes, ses doutes, puis son triomphe final.
Après un chemin d’éloignement, de solitude – et peut-être de rupture –, l’amour retrouvé en la chair et l’esprit « Je crois aux retrouvailles/après l’errance de l’écho/et les râles blessés/des renards en solitude. » « Toucher le calice/pour que nos bouches/à l’orée des fusions/aient ensemble/le goût du sacré. »
Une ode à l’amour charnel et à la femme aimée, avec de très belles évocations aux accents baudelairiens : « Je bois ton regard/ magnétique/Je bois tes yeux/ d’ébène/… » ; « De tes dunes/ instinctives/s’évaporent/ des opalescences/ d’aube. » « Charnus oratoires/où l’ordonnance/ des prières/est survivance/d’une déesse/ profane. »
Mais l’amour n’est pas seul, il y a la poésie, et « vivre en poètes » est suspect en ce monde, aussi le poème interroge : combien sommes-nous à partager cet état ? Cent-mille, mille, ou se résume-t-il « à deux » ?
En l’amour retrouvé, le pacte d’alliance se veut renouvellement, dépassement des errements anciens, de la vie morne et sans surprise de la vie ordinaire, et apaisement des blessures infligées par les petitesses : « Ensemble nous voudrons/effacer lentement/la forge des volcans/qui dévorent leurs fidèles/l’immuable quadrillage des routes déjà tracées/et l’infinie morsure des gens en petitude. »
L’image du berger et de la bergerie est récurrente, lampe christique recourbée en l’immanence maritale : « Etre le berger un jour/d’une femme/et de ses enfants. »
Outre les extraits mentionnés précédemment, j’ai particulièrement apprécié – parmi d’autres – ces belles formulations : « Elle efface d’un geste fruité/les rides à mon front/où pulse le désir. », « Que l’on soit poète/troubadour de l’ocre/ou chercheur de lumière/… », « Là unique/et nécessaire/à la frange/de mes argiles/… », et ce magnifique : « Au fond des bergeries/frissonne/le poumon bleu/du silence . »
Superbes – et non dépourvus d’une pointe d’humour et d’autodérision – les titres des chapitres, notamment : « Peut-être n’était-il que le berger de fragiles armatures », « Les herbes longues boursouflaient le crépuscule de chuchotements », « Au bout du chemin était la pierre sacrée ».
Une langue sobre, épurée et à hauteur d’entendement, qui ne recherche ni l’effet ni l’artifice. Des images maîtrisées qui jamais ne brouillent les cartes ni ne noient le sens. Une poésie qui fait le choix de la sincérité et du partage avec la communauté des hommes.
François Folscheid
(Claude Luezior, éditions La Bartavelle)
Un chant à l’amour, ses vicissitudes, ses doutes, puis son triomphe final.
Après un chemin d’éloignement, de solitude – et peut-être de rupture –, l’amour retrouvé en la chair et l’esprit « Je crois aux retrouvailles/après l’errance de l’écho/et les râles blessés/des renards en solitude. » « Toucher le calice/pour que nos bouches/à l’orée des fusions/aient ensemble/le goût du sacré. »
Une ode à l’amour charnel et à la femme aimée, avec de très belles évocations aux accents baudelairiens : « Je bois ton regard/ magnétique/Je bois tes yeux/ d’ébène/… » ; « De tes dunes/ instinctives/s’évaporent/ des opalescences/ d’aube. » « Charnus oratoires/où l’ordonnance/ des prières/est survivance/d’une déesse/ profane. »
Mais l’amour n’est pas seul, il y a la poésie, et « vivre en poètes » est suspect en ce monde, aussi le poème interroge : combien sommes-nous à partager cet état ? Cent-mille, mille, ou se résume-t-il « à deux » ?
En l’amour retrouvé, le pacte d’alliance se veut renouvellement, dépassement des errements anciens, de la vie morne et sans surprise de la vie ordinaire, et apaisement des blessures infligées par les petitesses : « Ensemble nous voudrons/effacer lentement/la forge des volcans/qui dévorent leurs fidèles/l’immuable quadrillage des routes déjà tracées/et l’infinie morsure des gens en petitude. »
L’image du berger et de la bergerie est récurrente, lampe christique recourbée en l’immanence maritale : « Etre le berger un jour/d’une femme/et de ses enfants. »
Outre les extraits mentionnés précédemment, j’ai particulièrement apprécié – parmi d’autres – ces belles formulations : « Elle efface d’un geste fruité/les rides à mon front/où pulse le désir. », « Que l’on soit poète/troubadour de l’ocre/ou chercheur de lumière/… », « Là unique/et nécessaire/à la frange/de mes argiles/… », et ce magnifique : « Au fond des bergeries/frissonne/le poumon bleu/du silence . »
Superbes – et non dépourvus d’une pointe d’humour et d’autodérision – les titres des chapitres, notamment : « Peut-être n’était-il que le berger de fragiles armatures », « Les herbes longues boursouflaient le crépuscule de chuchotements », « Au bout du chemin était la pierre sacrée ».
Une langue sobre, épurée et à hauteur d’entendement, qui ne recherche ni l’effet ni l’artifice. Des images maîtrisées qui jamais ne brouillent les cartes ni ne noient le sens. Une poésie qui fait le choix de la sincérité et du partage avec la communauté des hommes.
François Folscheid
Eine Hommage an die Kathedrale
CAROLE SCHNEUWLY Die Rute fest in der Hand: Beim St.-Nikolaus-Fest von 1952 war der Schmutzli besonders böse. Der Freiburger Autor Claude Luezior hat poetische, kurze Texte rund um die Kathedrale St. Nikolaus geschrieben. Ergänzt mit Fotografien von Jacques Thévoz, sind diese nun als Buch erschienen.«Die Kathedrale St. Nikolaus ist das zentrale Symbol der Stadt Freiburg und hat mich schon immer fasziniert.» Das sagt der Freiburger Schriftsteller Claude Luezior, welcher der Kathedrale nun eine Sammlung kurzer, poetischer Texte gewidmet hat. Diese sind soeben in Buchform erschienen, herausgegeben von der Kantons- und Universitätsbibliothek Freiburg und ergänzt mit Fotografien von Jacques Thévoz aus der Bildersammlung der Bibliothek. «Unsere Publikationen betreffen normalerweise unsere eigenen Bestände», sagte Silvia Zehnder-Jörg von der Kantons- und Universitätsbibliothek gestern vor den Medien. Es sei darum eine ungewöhnliche Anfrage gewesen, als Claude Luezior mit seinem Manuskript an die Bibliothek herangetreten sei. «Doch in Verbindung mit den Fotografien aus unserer Sammlung ist ein harmonisches Gesamtwerk entstanden.» Die Bilder hat der Autor selber ausgewählt. Er habe sich für jene von Jacques Thévoz (1918–1983) entschieden, weil diese dem ironischen, schalkhaften Ton seiner Texte am besten entsprächen, so der 63-Jährige. In der Sammlung der Kantonsbibliothek befinden sich insgesamt rund 60 000 Fotografien von Thévoz. Claude Luezior heisst mit bürgerlichem Namen Claude-André Dessibourg und ist hauptberuflich Arzt. Unter dem Künstlernamen Claude Luezior hat er seit 1995 über 40 Bücher veröffentlicht und dafür mehrere Preise erhalten. Das Buch «Mystères de Cathédrale» ist für 25 Franken in der Kantons- und Universitätsbibliothek und im Buchhandel erhältlich (Texte auf Französisch). |