Romans
- Monastères, Buchet/Chastel
- Dites-moi la vérité (préface de Jean Bernard), Buchet/Chastel
- Terre d'exils, Buchet/Chastel
- Secrets de famille, Buchet/Chastel
- Rebelles, L'Hèbe
- Armand Niquille, artiste-peintre au coeur des cicatrices, L'Hèbe
Films à propos d'Armand Niquille sur cath.ch
https://www.cath.ch/newsf/armand-niquille-lartisan-pied-de-croix/
Article de Nicolas Renevey : www.csmfr.ch/getattachment/b4638e6d-3713-4b6c-aacf-ae4bf495238a/N%C2%B0-1-Annee-2015-22
Armand Niquille, artiste-peintre au cœur des cicatrices
Réf.: 978-2-88906-089-4 / Disponibilité du livre: Oui / Auteur : Luezior Claude
Armand Niquille est un peintre majeur, issu de rien (il signa même Nihil), mais issu d’une très grande et noble famille. Refoulé du château de son père, caillassé par les gamins de sa rue Marcello, du nom de sa lointaine parente par alliance, ordonné artiste par un moine, farouchement solitaire, il connut Balthus et le foisonnement culturel fribourgeois où publièrent maints écrivains prestigieux, tels Claudel, Maritain, Pierre Emmanuel, Mauriac, le cardinal Journet ou Pierre Jean Jouve, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comme Claude MONET à Rouen, il peignit cent fois sa cathédrale, guettant la lumière qui s’accroche et se transforme, la couleur qui se tord et ruisselle.
S’il était monté à Paris, à l’instar de Giacometti qu’il a fréquenté, sans doute serait-il reconnu comme un très grand de la peinture du XXe siècle.
Cette biographie est basée sur de nombreux entretiens, témoignages et documents ORIGINAUX, y compris ceux de cette mystérieuse Anne qui chercha, toute sa vie, ses véritables origines pour aboutir en l’atelier du peintre.
Ses nus, portraits, natures mortes, allégories et scènes mystiques ainsi que ses « Fribourg » prirent une place considérable dans l’espace culturel de cette ville d’art et d’histoire. Comparé à Rouault ou à Cézanne mais singulier et autodidacte, longtemps indigent, Niquille, hanté par une sorte de phobie sociale ou d’autisme Asperger, resta à rebrousse-poil des galeries, cénacles et coteries, des réseaux commerciaux et des petits fours : il ne voulait pas briller mais veillait sur sa flamme secrète.
2015, 256 pp.
Editions de L'Hèbe : cliquer sur le lien ci-dessous, puis sur "parutions récentes"
puis sur ce nouveau roman de Luezior
http://www.lhebe.ch
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Coopération, Jean-Dominique Humbert
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Niquille, autodidacte de l'Essentiel
Armand Niquille, artiste -peintre au cœur des cicatrices
Biographie romancée de Claude Luezior, Ed. L'Hèbe, 2015
Luezior nous offre, dans ces 250 pages d'une écriture à la fois précise et chamarrée, l'histoire d'un artiste-peintre peu connu mais dont la réputation va croissante sur la scène internationale. Atteint de phobie sociale (il n'assistait jamais à ses propres vernissages), le personnage n'a jamais, de son vivant, exposé hors les murs de Fribourg, petite ville universitaire en Suisse romande, dont l'Histoire fut souvent liée à la France. Parmi les ancêtres de Niquille (qui est en fait un enfant naturel de Diesbach), on trouve en effet au XVe siècle, un Nicolas qui, à la tête des troupes bernoises, organisa la lutte contre Charles le Téméraire. La défaite de ce dernier permit à Louis XI de récupérer la Grande Bourgogne. Par ailleurs, ces même de Diesbach, plus tard fournisseurs de régiments suisses aux rois de France furent alliés aux d'Affry, dont Louis devint, sous Napoléon le premier Landamann (sorte de président) de la République helvétique.
Mais le peintre Niquille, malgré cette généalogie dont il fut ostracisée en tant que rameau naturel (il signa parfois Nihil, à savoir je suis issu de rien), fut avant tout artiste et humaniste. Autodidacte, rebelle et reclus dans son atelier, il a sécrété des toiles à la fois épurées et parfois foisonnantes, voire byzantines. Mystique dans ses compositions christiques ou dans des poèmes-prières qu'il écrivait au dos de ses toiles, Armand Niquille faisait luire une lumière crucifère, sorte de point delta de l'essentiel. Bien que solidement implanté dans l'horizontalité de la condition humaine, Niquille se situait toujours en recherche de verticalité, non seulement dans la transcendance, mais aussi dans la quête du père.
Fuyant les coteries et les petits fours, Niquille est resté humble à l’extrême : je ne suis qu’un artisan au pied de la croix. Perclus d'indigence pendant des décennies mais reconnu par force conservateurs et critiques à la fin de sa vie, ami de Giacometti et de Balthus qui résidèrent à Fribourg pendant la seconde guerre mondiale, Armand Niquille a préféré un retrait quasi-maladif qui l’a empêché d’accéder à l'audience mondiale de ses pairs.
Luezior, par sa plume incisive mais élégante, nous fait revivre les riches heures d'un simple hors normes. Cette biographie romancée est également tissée sur le canevas d'une histoire réelle et parallèle : celle d'Anne, une jeune Parisienne qui se pose, curieusement les mêmes interrogations que Niquille : sa propre grand-mère Charlotte était, elle aussi, aussi lingère au même château du comte Raoul. Histoire à la da Vinci code, recherche de la Parisienne et du peintre quant à leur géniteur commun : la quête aboutit à un tableau qui figure en première de couverture de l'ouvrage.
Le livre se clôt magistralement avec l'enterrement du peintre : on est au bord d'une fosse, un coup de goupillon final, dilué dans cette pluie amère qu'Armand n'aurait même pas peinte. Une cathédrale fervente, une poignée de hussards pour un dernier hommage tronqué. Gloire et dénuement, tout à la fois.
Dans ce roman, écrit avec le calame puissant que l'on connaît à Luezior, romancier et écrivain suisse primé par l'Académie française, se mêlent rigueur et foisonnement, or et sang, Renaissance et Moyen-Âge : au centre, Niquille, ce géant perclus de cicatrices, peintre et poète, byzantin et flamand.
Nicole Hardouin
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Niquille, autodidacte de l'Essentiel
Armand Niquille, artiste -peintre au cœur des cicatrices
Biographie romancée de Claude Luezior, Ed. L'Hèbe, 2015
Luezior nous offre, dans ces 250 pages d'une écriture à la fois précise et chamarrée, l'histoire d'un artiste-peintre peu connu mais dont la réputation va croissante sur la scène internationale. Atteint de phobie sociale (il n'assistait jamais à ses propres vernissages), le personnage n'a jamais, de son vivant, exposé hors les murs de Fribourg, petite ville universitaire en Suisse romande, dont l'Histoire fut souvent liée à la France. Parmi les ancêtres de Niquille (qui est en fait un enfant naturel de Diesbach), on trouve en effet au XVe siècle, un Nicolas qui, à la tête des troupes bernoises, organisa la lutte contre Charles le Téméraire. La défaite de ce dernier permit à Louis XI de récupérer la Grande Bourgogne. Par ailleurs, ces même de Diesbach, plus tard fournisseurs de régiments suisses aux rois de France furent alliés aux d'Affry, dont Louis devint, sous Napoléon le premier Landamann (sorte de président) de la République helvétique.
Mais le peintre Niquille, malgré cette généalogie dont il fut ostracisée en tant que rameau naturel (il signa parfois Nihil, à savoir je suis issu de rien), fut avant tout artiste et humaniste. Autodidacte, rebelle et reclus dans son atelier, il a sécrété des toiles à la fois épurées et parfois foisonnantes, voire byzantines. Mystique dans ses compositions christiques ou dans des poèmes-prières qu'il écrivait au dos de ses toiles, Armand Niquille faisait luire une lumière crucifère, sorte de point delta de l'essentiel. Bien que solidement implanté dans l'horizontalité de la condition humaine, Niquille se situait toujours en recherche de verticalité, non seulement dans la transcendance, mais aussi dans la quête du père.
Fuyant les coteries et les petits fours, Niquille est resté humble à l’extrême : je ne suis qu’un artisan au pied de la croix. Perclus d'indigence pendant des décennies mais reconnu par force conservateurs et critiques à la fin de sa vie, ami de Giacometti et de Balthus qui résidèrent à Fribourg pendant la seconde guerre mondiale, Armand Niquille a préféré un retrait quasi-maladif qui l’a empêché d’accéder à l'audience mondiale de ses pairs.
Luezior, par sa plume incisive mais élégante, nous fait revivre les riches heures d'un simple hors normes. Cette biographie romancée est également tissée sur le canevas d'une histoire réelle et parallèle : celle d'Anne, une jeune Parisienne qui se pose, curieusement les mêmes interrogations que Niquille : sa propre grand-mère Charlotte était, elle aussi, aussi lingère au même château du comte Raoul. Histoire à la da Vinci code, recherche de la Parisienne et du peintre quant à leur géniteur commun : la quête aboutit à un tableau qui figure en première de couverture de l'ouvrage.
Le livre se clôt magistralement avec l'enterrement du peintre : on est au bord d'une fosse, un coup de goupillon final, dilué dans cette pluie amère qu'Armand n'aurait même pas peinte. Une cathédrale fervente, une poignée de hussards pour un dernier hommage tronqué. Gloire et dénuement, tout à la fois.
Dans ce roman, écrit avec le calame puissant que l'on connaît à Luezior, romancier et écrivain suisse primé par l'Académie française, se mêlent rigueur et foisonnement, or et sang, Renaissance et Moyen-Âge : au centre, Niquille, ce géant perclus de cicatrices, peintre et poète, byzantin et flamand.
Nicole Hardouin
Monastères
Le père Cléard est contraint par sa fille, une avocate perverse qui tente de s'approprier son héritage, d'entrer à l'hôpital des vieux, alors qu'il savourait sa retraite chez lui, dans son monastère de poche. L'institution est un cloître aux grands prêtres tout-puissants et aux cérémonies étranges, paradis stérile où grouillent de succulents personnages. Curieusement, une icône fétiche disparaît au domicile de Cléard ; presque simultanément, on signale un vol semblable dans un monastère de la montagne sacrée...
Inspiré par un séjour au Mont Athos, ce premier roman fut publié par les éditions Buchet/Chastel à Paris. Il bénéficia d'une réédition, avec une autre première de couverture (Achille Emperaire de Paul Cézanne) puis sortit dans une collection de France Loisirs. Il fut aussi traduit en roumain par Mihaela Proca (Manastiri : Ed. Globus, Bucarest) et fut transcrit en braille (Bibliothèque Romande Braille à Genève).
Pour les aveugles et malvoyants, il est également disponible sous forme audio (lecture par Marianne Pernet) à : https://www.bibliothequesonore.ch/rechercheBSR/auteur/Luezior%2C+Claude.
Monastères a reçu le Prix européen de l'Association des Ecrivains de Langue française-Ville de Paris au Palais Médicis : cf également la page d'accueil de ce site : photo avec Boutros B. Ghali, ancien Secrétaire général de l'ONU et Pdt de la Francophonie).
Claude LUEZIOR, Monastères, Éd. Buchet/Chastel, Paris
Publié dans Chroniques de Sonia Elvireanu sur le site TRAVERSEES
« L’originalité n’est ni vice, ni maladie, l’âge n’est pas une tare » : Monastères de Claude LUEZIOR
Le roman Monastères de Claude Luezior, réédité plusieurs fois depuis sa parution en 1995 est plus actuel que jamais grâce à son sujet universel : le temps, le destin de l’être humain.
De vision réaliste, il dévoile avec une fine ironie les mécanismes qui rendent l’homme prisonnier. Il met en garde le lecteur contre les pièges de tout système qui voudrait régler la vie intime de l’homme selon des stéréotypes qui annulent toute individualité: administratif, médical, familial, monacal etc.
Face au système qui décide de tout, analyse tout à travers des schémas rigides et abstraits, tout comportement humain hors de l’ordinaire peut être qualifié de maladie et permettre aux autres de s’emparer d’une vie contre sa propre volonté.
Le romancier parle de l’intérieur du système médical qu’il connaît bien, de par sa profession de médecin neurologue. Il ne le défend pas, car son fonctionnement qui se veut sans faille n’est pas sans erreurs. Il met au centre de son roman la figure d’un vieillard vulnérable à cause de son Parkinson qui dérègle le cours de sa vie ordonnée.
La vieillesse, avec son impuissance physique et ses maladies, est peinte d’un oeil fin et compatissant, comme tous les drames des personnages qui gravitent autour du père Cléard.
Son destin est livré au lecteur par bribes : ancien militaire de la Légion, devenu jardinier de la ville après sa libération; un amour fou à 26 ans pour une jeune fille, Delphine, morte en pleine jeunesse ; un mariage conventionnel, une fille indifférente, émigrée aux Amériques ; une vieillesse solitaire et difficile à cause d’un Parkinson ; le retour de sa fille 17 ans après, ulcérée par une vie ratée à l’étranger, dépressive et obsédée par la maison paternelle qu’elle veut s’approprier en mettant son père sous tutelle.
L’action commence par la mise du vieux Cléard dans un hôpital de gériatrie sous prétexte d’être examiné. Il y rencontre des personnes atteintes des maladies qui sollicitent l’assistance médicale.
Le romancier excelle dans l’art du détail précis, percutant, de même que les comparaisons, d’une grande force d’évocation avec laquelle il esquisse des portraits, dévoile les misères de la vie, évoque l’atmosphère de l’hôpital, les relations familiales et sociales, dénonce avec subtilité ce qui se cache derrière les apparences. Il ne perd rien de vue, doué d’un excellent sens de l’observation : espace clos, administration, personnel médical, patients, thérapies, médication, atmosphère, surveillance, relations patients-médecins-assistantes, entre les malades, en famille.
Plusieurs espaces différents, plusieurs « monastères » dans le rouage du mécanisme social qui fonctionne mécaniquement : la famille, l’hôpital, le monastère. Chacun se veut hospitalier et agréable, mais il peut s’avérer prison comme pour Cléard et les autres.
Le romancier réussit à merveille à dévoiler le double visage de ces institutions sociales. Un détail, une comparaison suffisent pour suggérer que les apparences trompent: l’hôpital « est ce monastère blanc qui n’avoue ni sa prière, ni sa misère crasse », « le monastère stérile », « propre, impeccable comme un scalpel » ; « Il y a la danse de la mort ou s’accouplent le râle et le sourire. »
L’hôpital est comparé à une scène et la vie des patients à une pièce de théâtre où tout est régisé : programme, rythme de vie, visites, repas, sommeil. Il est ressenti par les patients comme « un camp de prisonniers ». L’émotion y est proscrite, elle existe entre les otages des maladies. Sous le sourire des assistantes on ne trouve parfois guère de bienveillance et de compréhension.
À partir d’un cas particulier, un malade de Parkinson, le romancier réussit à retracer un pan de vie sociale et de famille, le fonctionnement d’une administration accablante, suffocante qui défavorise les gens. Quelques personnages se détachent autour du père Cléard, chacun avec son drame: Marianne, sa fille, sans éclat, médiocre, usée « dans la steppe de béton » de la vie américaine, rapace, dépressive ; Jasmine, l’assistante sociale, honnête, héroïque, compatissante; Jumper, le chasseur asthmatique, l’ami de Cléard ; le jeune docteur Lucien non perverti par « la paperasse et les poisons administratifs »; le prêtre de l’hôpital, Théo, tel un ange pour les malades, amoureux de Jasmine ; le médecin-chef, l’autorité même, qui y règne comme un roi ; la garde-barrière avec son histoire traumatisante de culpabilité, le supérieur d’un monastère, un véritable chrétien pour lequel la vraie croyance est celle de l’amour.
Le plus touchant est Cléard par la lucidité avec laquelle il observe et réplique, par la résistance face aux agressions de sa fille et des médecins qui voudraient le déclarer irresponsable, amnésique et l’enfermer à jamais dans un hôpital psychiatrique. Malgré son Parkinson, il prouve qu’il est capable de se débrouiller tout seul. Mais sa fugue de la gériatrie avec Jumper est perçue comme un acte de folie, il est transféré à la psychiatrie où il risque un faux diagnostic.
Le roman a aussi son côte polard qui le rend palpitant: le vol d’une icône miraculeuse dans un monastère et celui de sa copie, à valeur sentimentale pour Cléard. Mais aussi son côte spirituel : la découverte de la vie monacale lors du pèlerinage de Théo et de Cléard au monastère.
Le narrateur est extérieur à son univers diégétique, mais on le sent près de ses personnages, ces patients sans espoir, otages de leurs maladies et du système médical qui fait souvent des erreurs. C’est l’auteur qui se cache derrière ce narrateur compatissant, qui comprend la souffrance et dénonce la misère sociale qui pousse à la dépression, à la mort (Marianne).
Claude Luezior conduit de main de maître le fil d’une narration hétérodiégétique structurée avec une rigueur classique . Le rythme est alerte, les aventures et les surprises ne manquent pas, la trame est bien menée pour réunir à la fin les personnages trop éprouvés par les malheurs de la vie, leur donner une nouvelle chance. La vie et la mort sont inséparables, le bonheur et le malheur s’entremêlent dans le destin de chacun, le bien triomphe sur le mal.
Monastères est un roman dans la lignée du réalisme balzacien, avec une observation fine des gens, du milieu social, des relations humaines, à la fois émouvant et critique, avec une force d’évocation et un langage d’une grande finesse.
Un roman qui sera toujours actuel, vu son sujet et l’art du récit qui l’inscrivent dans l’universel. Le livre donne envie de pleurer et de se révolter contre tout mécanisme abstrait qui voudrait mettre les sentiments sous le loquet inébranlable d’un système jugeant tout par ses règles rigides qui effacent toute individualité. Un roman touchant, un plaidoyer pour la vie, malgré ses souffrances et qu’il faut absolument lire.
©Sonia Elvireanu (professeure d'université, Roumanie)
PS : ci-dessous la première de couverture de l'édition originale...
Publié dans Chroniques de Sonia Elvireanu sur le site TRAVERSEES
« L’originalité n’est ni vice, ni maladie, l’âge n’est pas une tare » : Monastères de Claude LUEZIOR
Le roman Monastères de Claude Luezior, réédité plusieurs fois depuis sa parution en 1995 est plus actuel que jamais grâce à son sujet universel : le temps, le destin de l’être humain.
De vision réaliste, il dévoile avec une fine ironie les mécanismes qui rendent l’homme prisonnier. Il met en garde le lecteur contre les pièges de tout système qui voudrait régler la vie intime de l’homme selon des stéréotypes qui annulent toute individualité: administratif, médical, familial, monacal etc.
Face au système qui décide de tout, analyse tout à travers des schémas rigides et abstraits, tout comportement humain hors de l’ordinaire peut être qualifié de maladie et permettre aux autres de s’emparer d’une vie contre sa propre volonté.
Le romancier parle de l’intérieur du système médical qu’il connaît bien, de par sa profession de médecin neurologue. Il ne le défend pas, car son fonctionnement qui se veut sans faille n’est pas sans erreurs. Il met au centre de son roman la figure d’un vieillard vulnérable à cause de son Parkinson qui dérègle le cours de sa vie ordonnée.
La vieillesse, avec son impuissance physique et ses maladies, est peinte d’un oeil fin et compatissant, comme tous les drames des personnages qui gravitent autour du père Cléard.
Son destin est livré au lecteur par bribes : ancien militaire de la Légion, devenu jardinier de la ville après sa libération; un amour fou à 26 ans pour une jeune fille, Delphine, morte en pleine jeunesse ; un mariage conventionnel, une fille indifférente, émigrée aux Amériques ; une vieillesse solitaire et difficile à cause d’un Parkinson ; le retour de sa fille 17 ans après, ulcérée par une vie ratée à l’étranger, dépressive et obsédée par la maison paternelle qu’elle veut s’approprier en mettant son père sous tutelle.
L’action commence par la mise du vieux Cléard dans un hôpital de gériatrie sous prétexte d’être examiné. Il y rencontre des personnes atteintes des maladies qui sollicitent l’assistance médicale.
Le romancier excelle dans l’art du détail précis, percutant, de même que les comparaisons, d’une grande force d’évocation avec laquelle il esquisse des portraits, dévoile les misères de la vie, évoque l’atmosphère de l’hôpital, les relations familiales et sociales, dénonce avec subtilité ce qui se cache derrière les apparences. Il ne perd rien de vue, doué d’un excellent sens de l’observation : espace clos, administration, personnel médical, patients, thérapies, médication, atmosphère, surveillance, relations patients-médecins-assistantes, entre les malades, en famille.
Plusieurs espaces différents, plusieurs « monastères » dans le rouage du mécanisme social qui fonctionne mécaniquement : la famille, l’hôpital, le monastère. Chacun se veut hospitalier et agréable, mais il peut s’avérer prison comme pour Cléard et les autres.
Le romancier réussit à merveille à dévoiler le double visage de ces institutions sociales. Un détail, une comparaison suffisent pour suggérer que les apparences trompent: l’hôpital « est ce monastère blanc qui n’avoue ni sa prière, ni sa misère crasse », « le monastère stérile », « propre, impeccable comme un scalpel » ; « Il y a la danse de la mort ou s’accouplent le râle et le sourire. »
L’hôpital est comparé à une scène et la vie des patients à une pièce de théâtre où tout est régisé : programme, rythme de vie, visites, repas, sommeil. Il est ressenti par les patients comme « un camp de prisonniers ». L’émotion y est proscrite, elle existe entre les otages des maladies. Sous le sourire des assistantes on ne trouve parfois guère de bienveillance et de compréhension.
À partir d’un cas particulier, un malade de Parkinson, le romancier réussit à retracer un pan de vie sociale et de famille, le fonctionnement d’une administration accablante, suffocante qui défavorise les gens. Quelques personnages se détachent autour du père Cléard, chacun avec son drame: Marianne, sa fille, sans éclat, médiocre, usée « dans la steppe de béton » de la vie américaine, rapace, dépressive ; Jasmine, l’assistante sociale, honnête, héroïque, compatissante; Jumper, le chasseur asthmatique, l’ami de Cléard ; le jeune docteur Lucien non perverti par « la paperasse et les poisons administratifs »; le prêtre de l’hôpital, Théo, tel un ange pour les malades, amoureux de Jasmine ; le médecin-chef, l’autorité même, qui y règne comme un roi ; la garde-barrière avec son histoire traumatisante de culpabilité, le supérieur d’un monastère, un véritable chrétien pour lequel la vraie croyance est celle de l’amour.
Le plus touchant est Cléard par la lucidité avec laquelle il observe et réplique, par la résistance face aux agressions de sa fille et des médecins qui voudraient le déclarer irresponsable, amnésique et l’enfermer à jamais dans un hôpital psychiatrique. Malgré son Parkinson, il prouve qu’il est capable de se débrouiller tout seul. Mais sa fugue de la gériatrie avec Jumper est perçue comme un acte de folie, il est transféré à la psychiatrie où il risque un faux diagnostic.
Le roman a aussi son côte polard qui le rend palpitant: le vol d’une icône miraculeuse dans un monastère et celui de sa copie, à valeur sentimentale pour Cléard. Mais aussi son côte spirituel : la découverte de la vie monacale lors du pèlerinage de Théo et de Cléard au monastère.
Le narrateur est extérieur à son univers diégétique, mais on le sent près de ses personnages, ces patients sans espoir, otages de leurs maladies et du système médical qui fait souvent des erreurs. C’est l’auteur qui se cache derrière ce narrateur compatissant, qui comprend la souffrance et dénonce la misère sociale qui pousse à la dépression, à la mort (Marianne).
Claude Luezior conduit de main de maître le fil d’une narration hétérodiégétique structurée avec une rigueur classique . Le rythme est alerte, les aventures et les surprises ne manquent pas, la trame est bien menée pour réunir à la fin les personnages trop éprouvés par les malheurs de la vie, leur donner une nouvelle chance. La vie et la mort sont inséparables, le bonheur et le malheur s’entremêlent dans le destin de chacun, le bien triomphe sur le mal.
Monastères est un roman dans la lignée du réalisme balzacien, avec une observation fine des gens, du milieu social, des relations humaines, à la fois émouvant et critique, avec une force d’évocation et un langage d’une grande finesse.
Un roman qui sera toujours actuel, vu son sujet et l’art du récit qui l’inscrivent dans l’universel. Le livre donne envie de pleurer et de se révolter contre tout mécanisme abstrait qui voudrait mettre les sentiments sous le loquet inébranlable d’un système jugeant tout par ses règles rigides qui effacent toute individualité. Un roman touchant, un plaidoyer pour la vie, malgré ses souffrances et qu’il faut absolument lire.
©Sonia Elvireanu (professeure d'université, Roumanie)
PS : ci-dessous la première de couverture de l'édition originale...
« MONASTERES »
de Claude LUEZIOR
roman, Éditions Buchet/Chastel, Paris
Claude LUEZIOR écrivain-poète mais aussi médecin neurologue ayant œuvré dans les hôpitaux en Suisse et à l'étranger, et après un voyage marquant sur le Mont Athos où sont implantés une vingtaine de monastères orthodoxes, a naturellement fait un rapprochement entre le retrait du monde choisi par les moines et le degré d'isolement que l'on inflige à certaines catégories de population : nos anciens surtout, mais aussi ceux qui sont atteints de troubles les éloignant de ''la normalité''.
Rassurons-nous, point de dénonciation verbale outrancière, ni de diatribe syndicale. Mais plutôt une mise en abîme de situations et de décisions déshumanisées aussi néfastes que ridicules. L'auteur, avec la finesse d'esprit que nous lui connaissons, se fait l'écho de Beaumarchais qui nous déclare : « Dépêchons-nous de rire de tout, de peur de n'être obligé d'en pleurer ! »
Beaucoup de similitudes en effet entre ces deux mondes, pour un œil averti :
''L'hôpital est ce monastère blanc qui n'avoue ni sa prière ni sa crasse '', quand bien même ce monde se révélerait '' propre comme un scalpel'' ; le personnel aussi nous rappelle les ordres religieux qui d'ailleurs géraient les hospices d'autrefois :''Il y a les grands prêtres en aube blanche, avec leurs prescriptions magiques et leurs diagnostics incantatoires... les infirmières vestales... le râle et le sourire... Et souvent la prière et l'espoir.''
Voici donc le décor bien campé. Place à l'intrigue ! Cléard, vieillard à la forte personnalité, mais atteint de la maladie de Parkinson, est menacé d'enfermement en asile de gériatrie par sa fille déshumanisée par une vie difficile à l'étranger et qui convoite l'héritage. Une fugue rocambolesque, la découverte d'un couple secret, le vol d'une icône de valeur, une rencontre avec soi même au cœur d'un vrai monastère...où l'on peut lire : '' Et puis, après tant de sainteté, il faut bien que le corps exulte...''
Les chapitres se suivent comme autant de courts métrages sur un ton imagé, original, intelligent et humain. Claude LUEZIOR, avec la finesse et l'humour qui le caractérisent, va s'employer à nous développer cette histoire qui s'appuie sur cette solitude, compagne de la vieillesse dont on se débarrasse en notre monde, où seuls comptent le rendement et l'argent. Une histoire de respect en perdition, pleine de rebondissements qui fidélisent le lecteur et dont la télévision ferait bien de s'inspirer.
MONASTERES : une saga au rythme endiablé qui nous rappelle ''Vol au-dessus d'un nid de coucou'' et par moments, les truculentes ''Trois messes basses'' d'Alphonse Daudet.
Jeanne CHAMPEL GRENIER
in : L'Impartial, 7.8.1995 (sur Internet) :
Dites-moi la vérité
Très vite, le docteur Fabienne suspecte une maladie fatale chez son patient : Larry, l'ingénieur qui rêve de ponts entre les gens, se révolte contre l'évidence. Il irait jusqu'au bout du monde pour un élixir, un geste magique, un peu d'amour. Regards multiples, souvent contradictoires et friables, au fond de soi, au fond des autres. Etre en vérité et surtout être vrai.
Les médecins écrivains sont très divers. (...) Certains allient leurs deux activités. Leur oeuvre littéraire est souvent inspirée par les émotions, les réflexions suscitées par leur expérience ou nées au chevet des malades qu'ils traitent. Tel fut Tchekhof, tel est Claude Luezior (...) Nous passons ici des huis-clos thérapeutiques, des malentendus, des frustrations à des espoirs rationnels et irrationnels... Longtemps discrète puis affirmée, c'est une histoire d'amour qui nous est contée. D'un amour seul capable de limiter le malheur, de faire accepter la vérité. (Extraits de la préface du professeur Jean Bernard, de l'Académie française et président de l'Académie des Sciences à Paris)
Terre d'exils
Le pire des exils : Raymonde est privée de ses enfants parce qu'elle est devenue hémiplégique. C'est le roman d'un combat acharné contre le coma, la trahison, l'ignorance et la procédure. Contre les petites lâchetés quotidiennes et la solitude. Où les pires fautifs ne sont pas ceux que l'on croit.
De sa plume forte et passionnée, Luezior nous a peint cette fresque, entrecoupée par le témoignage très subjectif de Carole, 9 ans, fille de la victime.
On ne ressort pas tout à fait indemne d'une histoire comme celle-là.
Sur la première de couverture : Le semeur, de Vincent van Gogh
Secrets de famille
Le petit prince des collines n'est plus. Est-ce un meurtre ou un mal étrange qui l'a emporté dans l'au-delà ? Quel est le lourd secret que les Belois gardent enfouis au plus profond d'eux-mêmes ? Et Marcelou, est-il ce grand-père si respectable, ce notable au-dessus de tout soupçon ou bien un harceleur de petites filles ?
Dans SECRETS DE FAMILLE, Luezior entrouvre les volets clos d'un clan de paysans dans les années cinquante. Recherches à propos d'une société de taiseux qui camouflait ses abus. Et dont les méfaits individuels mais aussi collectifs, calfeutrés sous formes de secrets de famille, nous parviennent peu à peu.
Ecriture forte, colorée, surprenante.
Claude Luezior/ Secrets de famille
Editions Buchet/Chastel
ISBN 2-283-01804-8 SECRETS DE FAMILLE
Secrets de famille est une saga paysanne des années cinquante : le bébé, futur prince des collines, est-il mort à cause d'une grande soeur jalouse et négligente, d'un chien ou d'une maladie que l'on cache de génération en génération ?
Entrer dans ce monde n'est pas innocent : l'antagonisme entre une belle-fille et son beau-père semble tourner à l'alliance contre l'adolescente qui ose défier le clan. Des statuettes compromettantes, découvertes dans l'atelier du grand-père, seront-elles suffisantes pour détourner les réflexes mafieux ?
La découverte de la ville ne sera pas la panacée pour l'effrontée qui connaîtra les cadences implacables de la manufacture.
« Marceline fabriquait des tourne-disques, ou plutôt un câblage, un raccord, quelque chose qu'elle devait triturer, tordre, souder, avec une minutie qui lui arrachait la peau et les yeux. Du maître d'apprentissage, elle avait surtout appris le mot maître. On l'avait mise à la chaîne. Elle dut façonner deux cents pièces à l'heure, et puis trois cents, et puis mille. "On ne discute pas et vous aurez droit à un autre mégot, à la pause de 10h00 à 10h10. Si ça ne vous plaît pas, vous pouvez rentrer dans votre village". » En la jeune fille, se trouvera-t-il encore un capital de révolte suffisant pour mordre ?
Il faudra bien, au-delà de l'amitié du vieux Moutar, au-delà du souvenir du chien Zifire sacrifié pour rien et d'un amour naissant, une épidémie pour expurger les secrets d'un grand-père malfaisant et les silences de tout un "peuple des muets".
Une écriture riche et surprenante. Une nouvelle histoire de Luezior qu'on lit avec passion, dans la grande tradition romanesque.
IN : http://www.culturactif.ch/bibliotheque/lueziorsecret.htm
Rebelles
La démence progressive de sa femme, l'incompréhension d'un fils pour son entreprise qui reste artisanale, un monde où l'appât du gain a pris le dessus : que peut faire le petit ingénieur Paul Renon face aux épreuves que la vie lui inflige ? Sous l'égide de son ami américain Meis, co-inventeur du CD (une histoire authentique, un personnage chez lequel Luezior a vécu ! ), il se battra jusqu'au bout pour réaliser son rêve : mettre au point une machine capable de produire en série des rouleaux de printemps à la chaîne.
Tenter de retenir l'idée qui fuit la rétine... Créer ce qui n'avait été jusqu'ici tracé par quiconque : par peur des conventions, des chaînages trop bien appris. Imaginer l'inimaginable.
Mais l'épouse a-t-elle vraiment une maladie d'Alzeimer ? Mais les Chinois vont-ils tout rafler ?