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Extraits

ROMAN
                                            
Des mères et une fille

       A plusieurs reprises, la vieille Philomène, sentencieuse, hocha la tête. Durant toutes ces année d'existence, elle avait au moins appris une coquetterie de l'existence : 
       " Les gens pensent généralement le contraire de ce qu'ils disent. Alors, il vaut mieux confondre un peu qu'abuser son monde "
       - C'est quoi, cette histoire ?
       - La mort blanche des Belois.
       - Quoi ?
       - Un garçon nouveau-né sur trois ou quatre meurt ainsi, chez nous.
       - Et comment donc ?
    - Une maladie bizarre : ils s'en vont très jeunes, tout d'un coup, par manque d'air, sans infection. Ils étouffent sans un cri. Moi-même, j'ai eu trois fausses couches et puis un enfant mort en très bas âge, pareil à Firmin : il s'appelait Basile. Une histoire de famille qu'on ne raconte pas, mais que tout le monde connaît."
        Logorrhée pour se faire du bien, peut-être pour crever l'abcès et partager le secret, une fois au moins dans sa vie, avec sa petite-fille.

                                                                                                         *
(...) En omettant d'intervertir pot de sel et pot de sucre, Philomène, pensive, continua ses oeuvres. La porte principale de la cuisine était maintenant obstruée par une marmite pleine de gelée précieuse. Pour ne pas la déplacer, Marceline, prit le long couloir afin de rejoindre l'entrée principale. Le chien se leva, le ventre rond, du sirop sur le museau, un peu morose de quitter un endroit finalement si propice aux ripailles et à la sieste. La patte hésitante s'arrêta encore devant un bol de chocolat : " le dernier, juré ! "
     Les pas de l'adolescente se raccourcirent : mais pourquoi donc s'était-elle enfoncée dans cette maison à la fois adorée et haïe ? Pourquoi n'avait-elle enjambé la casserole pour rejoindre directement la cour ?  (...)
      Un froissement d'étoffe. Elle fit un cri : court, aigu. Être bête comme ça ! Une fille de quinze ans pouvait se le permette. Fuir ! Le froissement s'arrêta, on la regardait.
       " C'est moi."
       C'était lui, une fois encore, lui !




                                                                                   In : Secrets de famille, Buchet/Chastel, Paris, 1999           

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​TEXTE COURT

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Lettre au peintre  
    

      Tu me donnes l’éblouissement. Par ton levain chromatique, à la fois je respire l’harmonie et la démesure.

      Aux tables gigognes de la création, je cale mes mots à l’aplomb de tes touches, ma syntaxe à ton chevalet, ma plume à ton geste. J’épouse la danse de tes perspectives, mendie tes craies et me vêts de tes aquarelles. Ton souffle d’artisan a déplié mes alvéoles en une intime résonance. Diluer mes yeux dans tes inondations, m’adosser à ton cadre, me liquéfier dans tes outrances !

      Comme si la fluidité de mes strophes était nourrie par tes extases, comme si je m’abandonnais à tes arborescences. Car c’est bien d’une symbiose dont il s’agit. Telles des statues issues de leur moule, mes textes ont surgi dans ma tête au soleil de tes fauves. Singulière synthèse où vivent nos échos : ai-je été peintre, moi aussi, dans une vie précédente ?

      Parfois, je mendie un mot à ma plume, comme tu racles ou effaces le trait d’une mise en scène. Souvent, je souffre dans le transitoire ou les reflux d’une harmonique. Je quémande ce support visuel de nos ivresses partagées ; mes cellules à la dérive cherchent un faux-plat, ma main est celle d’un naufragé s’agrippant aux épaves de tes ciels.

      Écrire pour toi, écrire par toi est toujours une histoire d’urgence. Et je sombre dans tes ocres comme un enfant se love au sein de sa mère. Et je m’envoûte, et je m’abandonne à chacune de tes algues, à chacun de ces angles où ricoche la lumière en un jeu d’ombres intimes et de soleils couchants.

      Ton geste pour moi est une manière de sainteté laïque, une sorte de communion avec l’espace qui sans cesse nous échappe. Ivresse à la synapse du palpable et de l’impalpable. Sentes à la fois absurdes et sacrées.

      De cette osmose, tu n’en as guère besoin, car tes toiles vivent par elles-mêmes, tels des goélands aux vents du large. Pourtant, tu souris. Car je suis papillon devant ta flamme. Et la flamme aime le papillon.

      Chacun d’eux existe en sa chorégraphie propre. Chacun fascine l’autre jusqu’à l’indicible destin. Déjà crépite l’aile, en un inutile mais nécessaire sacrifice.



In : Epître au Silence, Encres Vives, 2012



         POESIE


             Le poète – Claude Luezior

http://www.couleurs-poesies-jdornac.com/2020/07/le-poete-claude-luezior.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

Le poète est cet être qui lacère ses idées de mots étranges, conjuguant souvent verticalité, rimes et rythmes qui donnent  à sa parole un air de prière ou de chanson.

Son allure est celle de l’orpailleur, courbé sur chaque goutte d’eau, traquant la plus folle paillette, fouillant de ses bras intuitifs les sables aurifères d’un merveilleux qui lui file entre les doigts.

Avec ses allures druidiques et son âme de marieuse, il confesse, furète et prospecte, présente un verbe à une élégante métaphore, élève les colombes d’un rêve.

Sous sa capuche, le voilà qui s’égare et partage, balise et ricoche

Le métier est rude, au petit matin des mots. Car son travail est celui d’un moine-laboureur. Mains dans la glaise du langage, le poète mesure sa solitude.

Crues et décrues profanes.


©Claude Luezior
 
 in : Jusqu'à la cendre, Ed. Librairie-Galerie Racine, Paris, 2018
https://editions-lgr.fr/claude-luezior/  
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                                   III


                dans ma caverne
                de gueux
                j’amoncelle
                ces fracas
                d’insomnies
                qui m’épuisent

 

                dans mon manoir
                d’exilé
                j’entends
                les clairons
                du prince
                en sa forteresse

 

                dans mon refuge
                de mécréant
                se déploient
                les métaphores
                et les éclipses
                du doute

 

                dans mon havre
                de rebelle
                résonnent
                et trépignent
                les convulsions
                des fugitives

 

                dans ma tour
                d’inquiétude
                s’écartèle
                opiniâtre
                la fêlure
                de la création

 

                dans mon royaume
                des rêves
                sédimentent
                les cendres
                d’un amour
                frénétique



                In : Epurer le doute, Ed. de L'Atlantique, 2011



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​Sur les marches du palais  

 
vous ma louve en habit rouge
ma louve belle, grand satin
en robe rouge qui frissonne
vous mon ivoire, ma sultane


une à une, les marches vous gravissez
les marches de lumière et de marbre,
tel monte en ferveur la myrrhe
les yeux aimants, les yeux baissés


des arbres tendent leur chlorophylle
vers les balbutiements de votre gorge,
tendre poitrine qu’abandonne
un souffle tout de marbre veiné


et ces marches processionnelles
vous portent à pas de fourrure
belle nomade en habits rouges
vers mon cœur aux yeux sucrés


je descends l’escalier du soleil
dans ma toge couleur de jade
vers l’offrande qui palpite,
vierge de nacre au cou ployé


la main ouverte, le geste large
pour vous, sultane aux yeux de louve
la main tendue, veinée de bleu
pour un espoir grand satin


vos bras ultimes esquissent
en cette marche nuptiale
un geste rouge de gitane
au prince arabe agenouillé


et d’un coup, par quelque sortilège
la cène de cristal s’évapore ;
ne reste sur les franges de granit
qu’un jardinier aux mains ridées


In : Prêtresse 
Ed. L'Harmattan, Paris, 2009






​
 
Sulle scale del palazzo
 

 
Mia lupa in abito rosso
Mia bellissima lupa, in elegante raso
In abito rosso che fruscia
Mia eburnea, mia sultana
 
 
Una ad una, sali le scale
Le scale di luce e di marmo,
tanto cresce in fervore la mirra
occhi amorevoli, occhi abbassati
 
 
alberi tendono le loro foglie
verso il vibrare della tua gola,
tenero seno che abbandona
un esplosione di marmo tutto venato
 
 
bella nomade in abito rosso
questi gradini processionali
al passo di pelliccia ti portano
verso il mio cuore con gli occhi dolci
 
 
discendo le scale del sole
nella mia toga di color giada
verso l’offerta palpitante,
vergine di madreperla dal collo piegato
 
 
la mano aperta, dal gesto ampio
per te, sultana dagli occhi di lupa
la mano tesa, venata di blu
per una speranza in elegante raso
 
 
in questa marcia nuziale
le tue braccia disegnano
una figura rossa di zingara
per il principe arabo inginocchiato
 
 
e improvvisamente, per un incantesimo
la scena di cristallo svanisce;
resta solo la frangia di granito
d’un giardiniere dalle mani rugose


​   
Traduction en italien :
 
© FRANCESCO CASUSCELLI





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                                                                                                          ESSAI



De l'inutilité absolue de la poésie

                           Quand je pense au surcroît de labeur imposé à nos jeunes sous forme de Ipod, Ipad, E-mail, FaceBook, Twitter et jeux video en tous genres, je me demande encore pourquoi quelques enseignants d’un autre siècle leur demandent de lire ces objets étranges issus des forêts, que l’on nomme livres ! Pitié pour nos sylves, pitié pour nos ados !  Curieusement, la rime en perdition survit dans le corps malade de certains slams. Ne devrait-on abréger ses souffrances par très brève euthanasie ? Il est vrai que leurs scansions souvent sont inintelligibles, noyées par une boîte à rythme dopée aux décibels. Bien heureusement, d’ailleurs : on risquerait d’y comprendre goutte, ce qui n’est pas bon pour les coronaires, m’a confié mon médecin.

                         Et puis, la poésie n’est-elle pas pure perte de temps en ces heures divines où time is money ? Langage des dieux, a-t-on dit, mais les dieux sont morts, n’est-ce pas ? Utilité nulle, rendement zéro, m’a confié le trader accroché aux ramilles de ses graphiques. La poésie ne se vend pas, elle se donne : dernier outrage au monde marchand. Soyons francs, a-t-il marmonné : dans certains Länder, en Allemagne, d’insignes politiciens ont établi un projet mettant à l’index toutes ces branches vieillottes tels les arts, la littérature, les langues, l’histoire.

                           Le mot n’est-il devenu presque une insulte ? Tout cela n’est que poésie !  C’est de la poésie pure ! Ce politicien est un grand poète !  En guise de vaccination contre cette engeance, on propose le ing : marketing, consulting, packaging. Et puisque l'on parle franglais, adoptons tous l’anglais pur et dur, avec, en option, quelques heures de chinois…

                        Passer son bac sans avoir jamais vraiment lu un livre ? Mais oui, mon bon Monsieur, c’est possible, tant il est vrai que l’ami Internet vous fournit derechef résumés, analyses de textes, copiés-collés très digestibles, iconographie sur l’auteur et autres friandises. Une certaine pédagogie étant basée, à l’heure actuelle, sur les moyens de recherche plutôt que sur la connaissance. Pas de sanglots longs des violons de l’automne, s’il vous plaît ! Séchez vos larmes, rangez vos binocles, Madame : il suffit de savoir taper, là-haut, à droite, dans la petite fenêtre magique… Un petit clic et Bill Gates fera le reste !

                           Tricoter des vers n’a plus de sens, m’a dit le mondialiste-savant-qui-sait-tout, alors que les textiles du réel viennent sans exception ou presque, par containers entiers, du soleil levant. Serons-nous sauvés par les nanotechnologies ? En tout cas pas par des nanocénacles de personnages aux cheveux argentés. Ora pro nobis ! L’heure n’est même plus à la prose, a-t-il poursuivi : s’esquinter à lire les Misérables ? Quand on peut télécharger le film et ses commentaires. S’esquinter la vue (quand bien même on peut avoir deux paires de lunettes au prix d’une seule) sur les pages jaunies de Notre Dame de Paris, alors qu’on peut manger des corn-flakes nous offrant les figurines en plastic de Quasimodo et d’Esmeralda, sans mention aucune de Victor Hugo ? Vitamines comprises : comment se soucier d’une pensée unique, voire de sa santé mentale ?

                            Soyez donc raisonnables, Messieurs les Professeurs ! Pourquoi abattre des arbres pour imprimer ces petites choses grises que l’on nomme recueils ? Quant à vous, Mesdames les Libraires, rassurez-vous : vous allez survivre, jusqu’à votre retraite très anticipée, grâce à vos charmants livres de cuisine, de voyage et quelques bandes dessinées. Avant que les tablettes électroniques n’effacent toute cellulose restante ou presque.

                                Soyons réalistes, la muse est morte : paix à ses cendres !

                       Un gavroche cependant m’a fait remarquer, l’autre jour, que le nombre actuel de lecteurs en poésie était supérieur à celui des lettrés chez les Anciens, au Moyen-Age ou même au XIXe siècle. Que les éditions originales de grands écrivains étaient tirées à quelques centaines d’exemplaires et que Ramuz vendait ses livres au gré à gré dans la rue. Gavroche-Satan sans doute, dépavant son Quartier latin ! On ne peut être poète, selon Démocrite, sans un grain de folie. Derrière le soixante-huitard, horreur, un graffiti de sa main : métro, boulot, dodo. Antinomie de sa rage d’idées. Mais n’avons-nous déjà lu, sous la plume de Démosthène, que la race des poètes possède la liberté ? Grain qui nourrit et fait survivre.

                          Une âme erre. La sienne. Je l’ai bien connu, alors qu’il était devenu vieux sage et presque centenaire. Il s’appelait Pierre Béarn.

                                                                                              C. Luezior


Paru dans Art et Poésie, 2012



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                                                                                                   DIVERS


                                                                                           


POEMES  : 

http://www.recoursaupoeme.fr/claude-luezior/buveur-de-ros%C3%A9e-extraits

https://www.lepitre.ch/texte/lerudit

https://www.dailleurspoesie.com/claude-luezior.html

                                                                                           ***


PROSES sur le site Pan poétique des muses :

http://www.pandesmuses.fr/search/luezior/



                                                                                          ***

RECENSIONS (notes de lecture) :

https://traversees.wordpress.com/category/chroniques/chroniques-de-claude-luezior/

http://levurelitteraire.com/claude-luezior-2/​

                                     ***


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